Elle chante l’amour avec émotions, sensibilise avec passion et inspire à travers son engagement dans l’humanitaire. L’une de ses dernières missions est de lutter contre les violences basées sur le genre, à travers les mots. Malika Rakizatou Ouattara, dit Malika la Slamazone est une figure incontournable du Slam au Burkina Faso. Suivie par des millions de personnes sur les réseaux sociaux, sa vie privée (situation matrimoniale) est dite floue et est souvent, sujet de débat sur la toile. Nous sommes allés à sa rencontre, ce dimanche 15 juin 2025.
Dédicacé le 16 mai dernier, après plusieurs années d’absence, ton deuxième album intitulé “Réalité” sonne comme un retour fort et personnel. Que symbolise ce projet pour toi ?
“ RÉALITÉ “ c’est mon cri intérieur, devenu poésie. C’est la traversée du silence, de l’ombre à la lumière, comme l’a annoncé mon teaser. Ce projet symbolise ma renaissance artistique et spirituelle. Il vient dire que même après le vide, l’écho de soi peut encore résonner avec force. “RÉALITÉ” c’est pour tous ceux qui se battent au quotidien, pour rester vrai et authentique.
L’album compte 16 titres riches en émotions et en messages. Certains fans disent qu’avec autant de contenu, tu aurais pu faire deux albums. Que leur réponds-tu ?
Je leur dis que chaque titre est un battement du même cœur. Je ne pouvais pas le couper en deux. Cet album est une œuvre complète, un miroir brisé en 16 morceaux. Soit tu regardes ton reflet en entier, soit tu n’en saisis qu’un fragment ! De plus, le chiffre 16 représente beaucoup pour moi et c’est d’ailleurs, la date de naissance de ma mère et de moi-même.
« Je ne slame que ce que j’ai traversé, ce que j’ai ressenti, ce que j’ai vu ».
Tu explores des thèmes puissants comme les violences basées sur le genre. En tant que femme engagée, tu portes ce sujet dans cet album. Pourquoi ?
Je les ai portés avec mes cicatrices et mes mots. J’ai voulu donner une voix à celles qu’on n’écoute pas, transformer la douleur en arme poétique. Le slam est mon moyen de résistance et de résilience surtout. Aussi, “RÉALITÉ” est un album qui refuse le silence et j’aimerais dire à ces dames qui vivent au quotidien cette violence. « Partez tant que vous le pouvez encore » !
Beaucoup de tes textes sont intimes. En quoi ton vécu nourrit-il ton écriture ?
Mon vécu, c’est mon encre. Je ne slame que ce que j’ai traversé, ce que j’ai ressenti, ce que j’ai vu. L’intime, chez moi, devient universel parce qu’au fond, nos blessures parlent la même langue. Et c’est important de transmettre une émotion que je ressens moi-même. Sinon, je ne me retrouve pas dans la chanson.

Ton style vestimentaire est souvent qualifié de sobre, élégant et spirituel. Est-ce un choix artistique, identitaire ou les deux ?
Ce sont les deux. C’est l’esthétique de mon âme. Mon style reflète qui je suis : une femme de foi, d’élégance intérieure et d’ancrage culturel. Je ne me déguise pas pour la scène, je m’incarne. Et cette incarnation renferme toutes les valeurs de la femme burkinabé et Africaine, en général.
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Le voile fait partie de ton identité scénique. Que-t-il représente pour toi, dans ta vie de femme et d’artiste ?
Le style que j’adopte est le foulard, le chapeau ou le voile. Et pour moi chacun de ces symboles, est une couronne de pudeur, un acte de foi, une force tranquille. Il ne m’efface pas, il me révèle autrement. Sur scène, il dit que l’on peut briller sans s’exposer, imposer sans s’exhiber…
Certains pensent que l’apparence d’une artiste voilée pourrait être mal perçue dans certains milieux culturels occidentaux. As-tu déjà été confrontée à cela ?
Oui. Mais, je ne me laisse pas réduire à un voile. Je suis une voix, une présence, une énergie. Quand on m’écoute, les préjugés tombent d’eux-mêmes. Et si certains milieux ne sont pas prêts, tant mieux. Cela m’oblige à ouvrir d’autres portes. Mais, en aucun cas, je n’’ai pensé un jour, enlever cette couronne de ma tête! Être une reine, ça comporte des sacrifices.
« Mon art est spirituel. Je slame avec ma foi, pas contre elle ».
Tu es une artiste croyante et tu assumes cette dimension. Comment concilies-tu ton engagement artistique et ta foi, face aux discours qui opposent parfois musique et religion ?
Je ne les oppose pas, je les réconcilie. Mon art est spirituel. Je slame avec ma foi, pas contre elle. Si Dieu m’a donné une voix, c’est bien pour qu’elle serve quelque chose de plus grand que moi. Je prêche dans mes textes, et c’est ma manière à moi de faire mon Djihad (…).
Mariée ? Célibataire ? Tu restes très discrète sur ta vie privée. Est-ce une manière de protéger ton équilibre personnel dans un univers très exposé ?
Absolument ! Ce que je donne au public, c’est mon art. Mon intimité est mon sanctuaire. J’ai besoin de cet espace pour me régénérer, aimer, douter, prier loin du regard des projecteurs. Mais, rappelez-vous que les candidatures continuent pour l’homme qu’il me faut !
Tu es suivie par de nombreux fans, parfois admiratifs au point de t’envoyer des messages très personnels. Comment vis-tu cette proximité parfois intrusive ?
Je l’accueille avec gratitude. Mais, avec des limites. Je comprends l’admiration. Mais, je ne suis pas une projection. Je suis une humaine, avec des frontières émotionnelles à respecter. Je réponds avec bienveillance, mais sans me perdre.
« Ma réalité, c’est une femme debout, entre feu et foi, qui transforme ses blessures en lumière pour éclairer les autres ».
Tu es belle, charismatique, puissante dans ta parole. Comment arrives-tu à gérer les projections, les jugements ou les intentions qu’on te prête, au-delà de ton art ?
Ooh, merci ! Je me concentre sur ma mission. Je ne suis pas là pour plaire. Mais, pour transmettre. Les jugements passent, les intentions se dissipent. Mais, la parole juste, elle reste. C’est elle que je sers. Lorsque tu restes concentrée, cela t’aide à ne pas te perdre et enfin, Dieu me guide à chaque pas !
Si tu devais définir la “Réalité” de Malika aujourd’hui, que dirais-tu, en une phrase ?
Ma réalité, c’est une femme debout, entre feu et foi, qui transforme ses blessures en lumière pour éclairer les autres.
Tu as associé la sortie de ton album “Réalité” à une initiative sociale forte. Pourquoi était-il important pour toi de lier art et engagement et en quoi consiste concrètement ce projet ?
Il était important pour moi de lier art et engagement parce que l’art sans impact, c’est juste du bruit. J’ai voulu que “Réalité” parle aussi dans la vraie vie, au-delà des scènes. Le projet social consiste à réhabiliter un village défavorisé, à offrir de la dignité là où il n’y a plus d’espoir. Mon slam est un outil ; Mon engagement une finalité et n’oubliez jamais mon slogan quand vous prononcez mon nom, chers lecteurs !
« L’ART, AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT »
Entretien réalisé par Abdoulaye Ouédraogo