Pendant longtemps, Yenoudié Rébéka Roxane Soukaïna Lankoandé n’a pas mis de mot sur ses combats. Elle était simplement guidée par un sens aigu de la justice. Cependant, c’est lorsque les gens l’ont nommée féministe qu’elle a compris que ce terme décrivait ce qu’elle était depuis toujours. Car pour elle, le féminisme n’est qu’une question de justice. Rien de plus, rien de moins.
Pourquoi êtes-vous féministe ? La question m’a été posée par un monsieur, il y a quelques jours. J’ai répondu spontanément : « Parce qu’un jour, des gens m’ont dit que je l’étais ». Il m’a regardée, surpris. Alors j’ai souri et enchaîné : « Oui, c’est le monde qui m’a aidée à mettre un nom sur mes combats. Moi, je ne l’avais jamais fait. Je ne m’étais même jamais posé la question ».
Parce que pour moi, il n’y avait pas lieu de mettre un mot sur ce qui me semblait… juste ». Très tôt, certaines pratiques m’ont dérangée. Certaines phrases, certains silences. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde trouvait certaines choses normales, alors que l’injustice était aussi visible que la bosse du chameau.
Dès le collège, j’étais cette enfant timide, mais que l’injustice faisait sortir de sa réserve. Je prenais la parole, même face aux enseignants, pour m’insurger contre certains de leurs propos et dénoncer ce qui, pour moi, n’avait aucun sens.
Je ne le faisais pas « pour défendre les femmes ». Je le faisais parce que je voyais des injustices systémiques, criantes, répétées. Et que tout le monde semblait fermer les yeux. Et que moi, je voyais.
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On m’a souvent dit : « Lorsque tu arrives dans un village et que tout le monde marche sur la tête, fais comme eux. » Mais moi, je ne marcherai pas sur la tête. Pas quand je sais que cette fameuse marche pèse sur la vie d’autrui. Que mon conformisme tue. Et qu’il rend l’existence de l’autre moitié du ciel insoutenable.
Parlant de cela, il y a une phrase qui m’a toujours écœurée : « Ça a toujours été comme ça. »
Comme si l’ancienneté d’une absurdité devait la rendre respectable. J’ai passé sept ans à mener un combat sans nom. Simplement guidée par mes principes.
Et puis un jour, alors que j’étais sur le point de publier “Déclic fatal”, mon éditeur m’a dit :« Vous êtes féministe. » C’était la troisième fois qu’on me disait cela. Mais c’est la première fois que j’ai réellement eu envie de comprendre ce mot, et tout ce qu’il impliquait. Et ce jour-là, j’ai su qu’ils avaient raison. J’étais féministe. Depuis toujours.
Parce que le féminisme, c’est ça : une question de justice. Rien de plus, rien de moins.
« Féministe j’ai été, féministe je suis, et féministe je mourrai ».
Yenoudié Roxane Lankoandé