Maladie redoutée mais encore trop méconnue, la pré-éclampsie touche de nombreuses femmes enceintes au Burkina Faso, avec des conséquences parfois dramatiques pour la mère et l’enfant. Le Dr Natacha Lankoandé, gynécologue-obstétricienne au CHU de Bogodogo, tire la sonnette d’alarme.
Deuxième cause de mortalité maternelle après les hémorragies, la pré-éclampsie concerne entre 12 et 17 % des grossesses dans le pays. Elle se manifeste par une hypertension artérielle associée à la présence de protéines dans les urines, et apparaît généralement à partir de la 20e semaine de grossesse. Son évolution peut être rapide et dangereuse, tant pour la mère que pour le bébé.
Le Dr Natacha Lankoandé insiste sur l’importance d’identifier rapidement les signes annonciateurs. « Une femme enceinte qui présente des vertiges, des troubles visuels, des bourdonnements d’oreilles, des maux de tête ou des douleurs abdominales doit immédiatement consulter », alerte-t-elle. Une diminution des mouvements du bébé peut également signaler une urgence.
Les facteurs de risque sont nombreux. La gynécologue indique que l’âge (très jeune ou avancé), l’obésité, les antécédents familiaux, une première grossesse ou une conception rapide après le début d’une relation figurent parmi les situations à risque. « Dans certains cas, l’organisme de la femme peut réagir à la grossesse comme à une greffe, ce qui perturbe le développement du placenta », explique la spécialiste.

Dr Lankaondé précise que derrière cette pathologie, se cache un trouble de la vascularisation utéro-placentaire. Ce dysfonctionnement entraîne une mauvaise perfusion sanguine et affecte plusieurs organes. « Les reins filtrent mal les protéines, le foie peut être touché, et dans les cas graves, le cerveau peut être atteint, avec un risque d’éclampsie », souligne-t-elle.
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Le fœtus n’est pas épargné. Elle laisse entendre aussi que la croissance peut être ralentie, le liquide amniotique diminué, et dans les cas extrêmes, une mort in utero peut survenir. Chez la mère, les séquelles peuvent être irréversibles si la maladie n’est pas prise en charge à temps, dit-elle.
Pour prévenir ces complications, le suivi prénatal est essentiel. À chaque consultation, souligne-t-elle, la tension artérielle et la présence de protéines dans les urines doivent être contrôlées. « Une alimentation saine, la pratique d’une activité physique adaptée et l’évitement des substances nocives comme l’alcool sont fortement recommandés », déclare-t-elle. Natacha Lankoandé soutient que pour les femmes à risque, un traitement préventif à base d’aspirine à faible dose, associé à du calcium et de la vitamine D, peut être prescrit.
La prise en charge, une fois le diagnostic posé, repose sur une équipe pluridisciplinaire. Dans les cas sévères, l’interruption de la grossesse peut s’imposer pour sauver la mère, prévient-t-elle. « Grâce aux efforts du ministère de la Santé, des traitements comme le sulfate de magnésium sont désormais disponibles gratuitement, ce qui améliore considérablement le pronostic », note le Dr Lankoandé.
Elle conclut par un appel à la vigilance : « La pré-éclampsie est imprévisible, mais si elle est bien surveillée et correctement prise en charge, ses conséquences peuvent être évitées. »
Wamini Micheline Ouédraogo