Est-il nécessaire de faire un stage ? Comment obtenir un stage ? Vers qui, faut-il se tourner ? A qui incombe la responsabilité de la réussite d’un stage ? Peut-on vraiment compter sur les stagiaires ? Autant de questions qui taraudent l’esprit des dirigeants d’entreprises, des formateurs, des éducateurs, des parents et des stagiaires eux-mêmes. Le problème a atteint un niveau où, l’Etat a organisé un forum national des stages à Bobo-Dioulasso afin de réfléchir sur la thématique, en vue de trouver des solutions. Dans cette interview, la Directrice exécutive de la Chambre des Mines du Burkina Faso, Madame Priscille Zongo fait une analyse de la situation tout en apportant sa contribution.
Quel est votre appréciation de façon générale sur ce forum ?
Le forum s’il n’existait pas, il fallait le créer parce qu’il permet de réunir au même endroit, les entreprises, les chercheurs et les étudiants à la recherche de stage, pour échanger ensemble, trouver des solutions pour faciliter l’obtention de stage. Mais, aussi pour les entreprises d’affûter leurs stratégies du stage. Pour un étudiant ou quelqu’un qui a fini sa formation, le stage lui permet de compléter sa formation théorique par la pratique grâce à la vie en entreprise et l’immersion. Cela permet à l’étudiant d’avoir une inexpérience pratique qui va l’aider à pouvoir lancer sa carrière ou finir son mémoire ou sa thèse. Ce forum nous permet en tant qu’acteur ou qu’entreprise, de nous projeter sur ce que le stage et le stagiaire peuvent apporter à l’entreprise. L’entreprise doit voir dans le stage ou le stagiaire, la capacité de contribuer à l’atteinte des résultats. C’est cette posture qui va nous permettre de pouvoir valoriser le stage.
Ce forum est-il, une opportunité de dénicher, tout de suite, des jeunes talents qui pourront éventuellement servir ?
Oui, oui. Par exemple, pour les lycées qui ont participé au concours du speech, les trois premiers ont déjà eu des stages et les entreprises qui était là, avaient la possibilité d’offrir des stages aux participants. C’est un cadre pour pouvoir accéder à des stages. En tout cas, les stages, c’est une vraie problématique au Burkina Faso.
« C’est aux jeunes d’optimiser leurs chances pour avoir des stages ».
A votre époque, avez-vous fait face à ces mêmes difficultés ?
Exactement ! C’est une expérience que chaque étudiant vit chaque jour. Aujourd’hui, par an, dans la formation professionnelle et universitaire, les étudiants qui cherchent des stages dépassent le nombre d’entreprise qui existent. Visiblement, il y aura un grand manque à gagner, quelque part. Il y aura un goulot d’étranglement. Même à notre époque, il y avait déjà, ce goulot d’étranglement. Le secteur privé comme on le voit aujourd’hui, n’était pas aussi développé. Le nombre d’entreprises dans le secteur privé a augmenté un peu.
En plus, il n’y avait pas encore les réseaux sociaux et des cadres qui puissent te permettre de savoir qu’une entreprise existe. Je trouve que nous, nous avons eu beaucoup plus de difficultés à avoir des stages, beaucoup plus de difficultés à accéder à l’information. Du coup, quand je compare, je pense que de plus en plus, les jeunes ont plus d’opportunités, maintenant. C’est à eux de savoir utiliser l’ensemble des opportunités et des plateformes qui existent pour accéder à l’information, optimiser leurs chances pour avoir des stages.
« L’une des solutions, c’est d’abord dans la formation ».
Alors, quelles pourraient être la solution pour vraiment, résoudre ce problème ?
L’une des solutions, c’est d’abord, dans la formation. Il va falloir que les établissements et les universités qui forment aient une part de responsabilité dans la recherche des stages parce qu’on forme les jeunes, on les laisse et chacun doit se doubler pour trouver un stage. Pourtant, ces écoles savent très bien qu’il y a des niveaux où il faut forcément avoir un stage pour soutenir sur un thème donné afin d’avoir le diplôme. Je pense que les écoles peuvent s’impliquer davantage dans la recherche de stage.
La deuxième solution, c’est encore au niveau des écoles. Il faudra que les écoles créent des incubateurs de sorte que pendant la formation, il y ait une entreprise qui puisse accueillir les jeunes pour qu’ils expérimentent ce qu’ils ont appris. C’est ça, un incubateur ou une pépinière d’entreprises.
Je vais maintenant, parler aux entreprises. Le stagiaire, ce n’est pas seulement une charge. Il peut être une solution et c’est à nous, entreprises de voir ce qu’on peut tirer de ce stagiaire et ce qu’il peut apporter. Il n’est pas là juste pour soutenir, c’est une compétence, c’est quelqu’un qui peut apporter quelque chose à l’entreprise.
Lire aussi : Chambre des Mines : Payidwendé Priscille Zongo, sur le chantier de l’employabilité des jeunes
Cela va permettre de donner plus d’importance au stage et au stagiaire et l’entreprise va tirer profit de sa présence. Aujourd’hui, les jeunes ont plus d’habileté avec tout ce qui est nouvelle technologie et une entreprise qui veut aller loin, ne peut se passer de ces technologies. Donc, utilisez les jeunes pour ça ! Ils peuvent faire en sorte que l’entreprise aille vite.
Je reçois beaucoup de demandes de stages. Mais, certains se positionnent comme si le stage est un droit pour eux. C’est vrai, c’est un droit. Mais, l’entreprise aussi a ses objectifs. Donc, il va falloir que ces objectifs se rejoignent.
Je demande aussi aux stagiaires de soigner leur profil, de soigner les documents qu’ils utilisent pour les demandes de stage et d’être persévérants. Ne vous contentez pas d’une seule demande et puis, vous retournez vous asseoir à la maison. Déposez dans autant d’entreprises que vous trouvez !
« Ils doivent vraiment travailler la façon dont ils présentent leurs demandes de stage, c’est très important ».
La question d’image est beaucoup ressortie lorsqu’on a reçu les invités. Cela fait-il partie des réelles difficultés sur le terrain ?
Parfois, tu reçois une demande de stage pleines de fautes. Le Curriculum Vitae (CV) et la lettre de motivation ne sont pas soignés, même la mise en page, la formulation des phrases… Il te dit qu’il a besoin du stage juste pour soutenir. Mais, est-ce que toi, tu as besoin d’un stagiaire ? Là, est la question. Ils doivent vraiment travailler la façon dont ils présentent leurs demandes de stage, c’est très important.
Quand tu viens demander un stage, dans ton dossier, je dois sentir que tu as de la passion pour ce que tu cherches et quand je demande à te recevoir pour l’entretien, ta passion pour le stage doit se sentir. Si on va travailler ensemble, je veux voir si cette passion va t’amener à construire quelque chose. Je prends aussi en compte, la façon dont la personne me parle, si déjà, elle est mal habillée et pas agréable, sa posture : la manière dont elle s’assoit sur la chaise quand on lui donne la place. Ensuite, tu lui poses la question : est-ce que tu as un projet de vie ? Il te répond : je ne sais pas Madame.
Alors, si toi tu ne sais pas, comment vais-je savoir ? En fait, je comprends les jeunes. Je ne veux pas seulement parler aux enfants sans nous parler, à nous aussi. Si nous en sommes là, c’est le résultat de ce que nous sommes aussi, hein.
Source : Chambre des Mines