Si certains bienfaits à l’image de Dina Panani ayant sauvé les enfants de la maternelle d’un bus en feu, font le tour des médias et réseaux sociaux, d’autres par contre, aussi immenses soient-ils, restent méconnus du grand public. C’est le cas de Kadi Sedogo, élève en classe de CE2, opérée d’une tumeur des muscles de 4 kilogrammes grâce à Philomène Koama, une enseignante de son école primaire. Reportage !
Nous sommes le mardi, 24 juin 2025, au Centre hospitalier universitaire (CHU) Yalgado Ouédraogo pour nous entretenir avec Dr Abdoulaye Sanou, neurochirurgien. Ce dernier, lors de nos échanges, nous souffle à l’oreille l’un des exemples d’opérations l’ayant marqué. Celle de Kadi, élève opérée d’une tumeur des muscles grâce à une enseignante.
« Quand nous avons fini de l’opérer, la masse faisait quatre (04) kilos. Sachant que la tête de l’être humain pèse entre deux (02) et trois (03) kilos, on peut imaginer la souffrance de cette fillette qui devait traîner une masse qui pesait plus que sa tête, au niveau de son cou », indique Dr Sanou.

Comme tout journaliste, nous décidons de faire de cette information, un sujet de reportage. Ce qui nous amène à Tibin, village situé dans la province de Ganzourgou, dans la région du Plateau-Central où vivent Kadi et ses parents.
Lundi, 07 juillet 2025, direction Tibin, chaperonnés par Philomène Koama, l’enseignante qui, pour la circonstance nous attendait à Zorgho.
Il est 11 h 15 et nous voilà, à destination (Tibin). Contre toute attente, la famille de Kadi, les guides religieux et les voisins sont tous réunis pour accueillir Philomène Koama, l’enseignante dont ils ont entendu parler dans le village.
Le regard admiratif, sourire aux lèvres, la tête bien couverte d’un voile noir, les bras croisés pour légèrement s’agenouiller en guise de salutation, c’est avec cet air jovial que Kadi Sedogo, élève en classe de CE2 à l’école primaire de Tibin, accueille Philomène Koama. A la voir, difficile d’imaginer qu’il y a trois mois à peine, elle marchait avec une tumeur de plus de 4 kilogrammes sur la tête.

La tumeur de la honte…
Alors qu’elle était juste âgée de 2ans, le calvaire commence pour Kadi Sedogo, qui verra le début d’une tumeur sur sa tête.
Ses parents, comme tout habitant du village, ont recours à la médecine traditionnelle. Mais, plus le temps passe, plus la tumeur prend forme et reste insensible au traitement. Puis, Kadi ne passe plus inaperçue au village à 12 ans, avec à sa nuque, une tumeur de 4 kilogrammes.
« La tumeur de Kadi a commencé lorsqu’elle avait deux ans. Nous avons appliqué des médicaments traditionnels croyant que ça porterait fruit. Mais, ça n’a pas fonctionné. La tumeur a continué de prendre de l’ampleur et quand elle a eu ses 7 ans, nous l’avons inscrite à l’école », se remémore Moussa Sedogo, père de Kadi, les yeux larmoyants.
L’homme, autrefois impuissant face au mal dont souffrait sa fille, titube et trouve difficilement les mots pour s’exprimer, tant il est submergé par une grande émotion.
Le cas de ma fille, dit-il, me préoccupait. Mais, je n’avais pas de solution.
Si le père de Kadi vivait une peine due à la tumeur, la maladie n’était pas non plus, sans conséquence, chez la jeune fille. Brillante lors des années scolaires ultérieures, ses enseignants remarquent au cours de l’année scolaire 2024-2025, une baisse de niveau de Kadi. De plus, elle devient de plus en plus solitaire, s’éloignant de ses amis, là où elle était sujet de raillerie.

« J’avais honte quand j’étais avec mes amis, à l’école. Ça me dérangeait d’avoir la tumeur à la tête », confie-t-elle, timidement, le regard baissé. Heureusement que tout est derrière elle, à présent. Son héroïne, celle qui lui a permis de pouvoir grandir sereinement comme toute petite fille de son âge, c’est Philomène, institutrice dans son école.
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Philomène Koama, un ange envoyé pour sauver la petite Kadi
Institutrice à l’école primaire de Tibin, Philomène Koama repère Kadi, avec une tumeur à la tête, alors qu’elle est encore âgée de 7 ans et élève en classe de CP1.
L’enseignante observe la tumeur sur la tête de la jeune fille, année après année, jusqu’en 2025 où elle remarque une évolution considérable de la tumeur.
« Je lui ai posé la question : Qu’est-ce que tu as sur la tête comme ça ? Elle m’a timidement répondu en mooré : madame, c’est une tête. Certes, elle portait le voile. Mais, c’était tellement gros qu’on ne pouvait pas cacher », relate tristement, l’institutrice.
Intriguée et même interpellée par son instinct de femme, Philomène, les poches pourtant vides, décide de prendre les choses en main. A partir de ce moment, l’enseignante n’a que son courage, sa détermination et sa volonté d’aider. « J’ai d’abord, manifesté mes intentions d’aider Kadi, à mes supérieurs hiérarchiques dont le directeur de l’école, l’inspecteur », explique-t-elle, le visage serré.
Pourtant, elle n’était pas directement l’enseignante de la petite Kadi, encore moins, une parente. Philomène, après l’accord de ses supérieurs hiérarchiques, contacte les parents et les informe de son intention. C’est le début d’un long processus fait de suspens, de peur, de détresse et d’espoir.
Avec l’accord des parents, Kadi est conduite au Centre médical avec Antenne chirurgicale (CMA) de Zorgho.
Le verdict tombe : après examen, Kadi doit être transférée à Ouagadougou, le même jour, selon les agents de santé. Une recommandation très difficile à respecter par Philomène et les parents de Kadi, en manque de moyens financiers.
« C’était un lundi pendant les congés du mois de mars dernier. J’ai demandé au Dr de nous donner une semaine pour qu’on puisse se préparer financièrement car nous n’avions pas les moyens pour aller à Ouagadougou », se rappelle Philomène Koama.
L’Action Sociale, ayant assuré la charge des ordonnances d’une valeur de plus de 200 mille FCFA, le cas de Kadi, évalué à un coût global de 800 mille, met la pression sur Philomène et les parents qui n’ont désormais comme solution que la prière.
Piégée par les coups de la vie au CHU Yalgado Ouédraogo, l’enseignante Philomène multiplie les doléances. Elle sera finalement, orientée par un agent de santé envers un centre de la place, qui préfère rester dans l’anonymat.
L’espoir renaît ! Ledit centre ouvre la porte de la joie à Philomène. Le reste des ordonnances et le coût de l’opération chirurgicale sont pris en charge en mars 2025.
Quant à Philomène, elle passe ses congés à l’hôpital avec les parents de Kadi durant tout leur séjour. « J’ai agi en tant qu’humain parce que j’avais vraiment de la peine pour la petite. Après avoir contribué à ce que la petite recouvre la santé, je me sens soulagée et je ressens une immense richesse intérieure. Aussi, j’ai la reconnaissance des parents et un grand amour de l’enfant envers moi, qui l’exprime à travers un sourire, à chaque fois qu’elle me voit dans la cour de l’école, dit Philomène Koama avec un air joyeux.
A ce jour, Kadi n’a de souvenir de la tumeur des muscles, que la cicatrice. La fille, après des années passées à porter ce poids sur sa tête, se sent désormais, libérée et intègre aisément son cercle d’amis. De quoi ragaillardir ses parents!

Je suis très heureux et reconnaissant envers l’enseignante Philomène pour tout ce qu’elle a fait pour ma fille. Même quand ma fille ne se plaignait pas de douleur, c’était difficile à la regarder », reconnaît Moussa Sedogo, père de Kadi.
Selon l’imam du village, Moussa Ouédraogo le cas de la petite Kadi préoccupait tout le village. « Nous regardions impuissants, son mal sans savoir comment ça allait se terminer », dit-il avec un air plein de reconnaissance avant de formuler des bénédictions à l’endroit de Philomène Koama, l’enseignante.
Il est 13 h 35 minutes quand nous demandons à reprendre le chemin de Ouagadougou. Mais, c’est sans compter sur la famille de Kadi, qui n’a pas fini d’exprimer sa reconnaissance envers Philomène Koama. Un des grands parents de Kadi, un sexagénaire, très ému, appelle un jeune homme et murmure à l’oreille de ce dernier, avant de nous ordonner de nous asseoir. Même avec les excuses de Philomène, « Je dois raccompagner le journaliste qui repart à Ouagadougou », ils répondent « Ce n’est pas grave ».

Après plusieurs minutes de patience, du haricot, des arachides, des œufs accompagnés d’un poulet sont offerts à Philomène de la part du vieillard, qui voit l’enseignante pour la première fois, après ses efforts consentis pour la guérison de Kadi.
Nous quittons Tibin, le village de Kadi Sedogo pendant que les remerciements et reconnaissances de tout un village, continuent de nous suivre.
Mais, pour Philomène, sa vraie récompense, c’est le bonheur qui la traverse, à chaque fois qu’elle pense à cette petite fille de 12 ans, à qui, elle a contribué à redonner le sourire.
Abdoulaye Ouédraogo