Ces temps-ci, lorsque vous arpentez les rues de Ouagadougou, des femmes et des jeunes filles portent des grosses assiettes de manioc sur la tête. C’est le cas de Aguiratou Sanfo. Vendeuse de pagnes et de jus naturels, la clientèle se fait vraiment rare, en temps de pluies. Pour pallier cette insuffisance, elle mène parallèlement une autre activité, la vente du manioc bouilli afin de pouvoir subvenir à ses besoins.
En cette matinée du mardi 05 août 2025, au bord de la voie jouxtant le marché de la cité an II et l’avenue Bassawarga, Aguiratou Sanfo a déposé son plateau de manioc. Là, elle espère écouler sa marchandise. Puis, retourner à sa boutique quand elle aura fini.
« Ce manioc vient du Ghana. Il est très attrayant et tape à l’œil. En plus, il est doux et sucré », affirme la vendeuse. A peine, a-t-elle fini sa phrase, qu’un client s’arrête. En effet, Patrick Compaoré longeait le parking à vélo quand son regard a croisé le plateau de Aguiratou Sanfo. Immédiatement, il fait demi-tour.
« Madame, c’est combien, combien ? », demande-t-il. « 100f, 200f et 300f. Y a bouilli et cru », rétorque-t-elle.

« C’est un met local que j’aime. Quand je le mange, je n’ai aucun problème. J’aime bien le goût de celui-ci. Il est très nourrissant », explique-t-il après avoir mordu dedans. Et de poursuivre « A chaque fois, que j’ai l’occasion, j’en paie. Mais, certains sont sucrés tandis que d’autres sont amers ou fades ».
En un rien de temps, les clients se bousculent. Aguiratou n’a pas le temps de répondre à nos questions, nous prenons notre mal en patience.
« C’est une plante très appétissante, j’utilise les feuilles à la maison pour la cuisine. Souvent, quand je vois les racines aussi, je les utilise », déclare cette dame qui s’apprête à manger, sa part.
Pour ce monsieur qui l’a remorquée, lui, il préfère consommer le manioc cru parce que ça maintient la santé, selon ses dires.
« La plupart du temps, quand on cuit les aliments, ils perdent leurs vitamines. Mais, je mange aussi le manioc cuit », rassure-t-il.

Ainsi, pendant la saison pluvieuse, elle guette la disponibilité de cette denrée sur le marché. Dès que le manioc est disponible, elle court en acheter pour revendre. Comme ce sont les vacances, ses enfants l’aident. Les autres années, elle vendait, ailleurs.
« Chaque jour, je prends un sac. Le prix varie entre 12 500fcfa, 15 000fcfa et 25 000fcfa. Quand je prends le petit sac, je le cuisine en deux tranches. Le jour où, ce sont deux enfants qui vont m’aider, je divise le sac en deux, une partie pour moi et l’autre pour les enfants. Mais, si c’est le gros sac, ça peut être distribué à quatre personnes qui vont m’aider », souligne la maman.
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Aguiratou dit exercer cette activité de façon temporaire car c’est uniquement en saison de pluie qu’il est possible de le faire. Cependant, les difficultés ne manquent pas puisqu’elle subit souvent, des pertes.
« Si tu as la chance, de tomber sur la bonne marchandise, bien jolie et agréable, ça attire naturellement les clients et tu peux avoir un bénéfice. Dans le cas contraire, tu peux tomber sur des tubercules qui n’ont pas atteint le stade de maturité normale. Donc, quand tu fais bouillir, quel que soit le temps que ça prend, ça reste dur. Parfois, il a le goût de l’eau ou un goût gluant. En particulier, certaines variétés de manioc, d’ici », déplore-t-elle.
Pire, Aguiratou soutient que par moment, elle peut tomber sur du manioc dont une grande partie est amère. Malheureusement, l’on ne peut s’en rendre compte qu’après cuisson.
« L’autre jour, j’ai payé le manioc juste pour 5000f, le temps de me réapprovisionner parce que mon stock était fini. Mais, quelle ne fut pas ma déception ! J’ai pu vendre seulement 2000f. Tout le reste, on dirait nivaquine. J’ai dû donner ça aux ruminants. En fait, j’ai perdu 30000f », précise-t-elle, d’un air triste.
Malgré les difficultés rencontrées, Aguiratou Sanfo ne baisse pas les bras. Elle est dans ce domaine depuis quelques années et arrive à tirer son épingle du jeu.
« Le jour où le manioc ne finit pas, je donne à manger, à mes enfants. Je ne le garde pas pour le lendemain », lance-t-elle.
Françoise Tougry