Grâce à son courage et sa persévérance, Philomène Koama, institutrice dans un village de Tibin, situé dans la province du Ganzourgou au Burkina Faso, a réussi à sauver une fillette souffrant d’une tumeur à la tête. Depuis lors, le nom de cette jeune d’une bienveillance rare et dont l’engagement dépasse les murs de sa salle de classe, revient souvent, avec respect et admiration dans les conversations à Tibin. Portrait d’une éducatrice au cœur d’or, dont l’histoire force le respect autant qu’elle inspire l’espoir.
Rien qu’à travers ses premiers mots au téléphone, on découvre une dame au contact facile et sympathique. De vue, c’est une dame de taille moyenne, qui dégage une aura positive, confirmant nos premières impressions.
Née d’un père agriculteur et d’une mère ménagère à Founa, dans la région de la Boucle du Mouhoun, Philomène Koama, est issue d’une famille nombreuse. Lui arracher des informations n’est pas chose aisée. Mariée ? Mère ? La jeune dame pour qui, l’âge de la femme reste un secret, se réserve d’en dire plus sur sa situation matrimoniale. Mais, une chose est sûre. Elle a la trentaine bien révolue et très séduisante.
C’est en terre ivoirienne que Philomène Koama commence son parcours scolaire à l’école primaire Monoko-Zohi trois (3), village appartenant au département de Vavoua, en Côte d’Ivoire.
Là-bas, la jeune Philomène est séparée de sa mère, rentrée au Burkina Faso, alors qu’elle n’est âgée que de 5 ans. Quelques années plus tard, Philomène, avec un niveau CM1, rejoint sa génitrice à Founa dans son village natal, au Burkina Faso où elle obtient son diplôme de Certificat d’Études Primaires (CEP). Nous sommes en 2006.
Elle entre ainsi au collège de Sanaba. « Là-bas, j’ai fait de la 6ème au 4ème avant d’aller à Dédougou au Collège Espoir où j’ai obtenu mon Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) en 2011 », précise-t-elle.
Philomène, avec un objectif bien précis, qui est celui de réaliser son rêve de devenir infirmière, ne compte pas s’arrêter là, malgré l’opposition de son père qui souhaite l’inscrire dans une ENEP privée.
« J’ai poursuivi mes études au lycée municipal Naaba Kuilga de Zorgho en faisant les cours d’appuis et J’ai pu obtenir le BAC en 2021 », informe Philomène.
Assoiffée de papier et piquée par le virus de la langue anglaise, Philomène Koama s’inscrit au Centre Universitaire Polyvalent de Ouagadougou en faculté d’anglais. Ses efforts sont loin d’être vains car elle vient d’obtenir sa licence en cette année 2025.
Institutrice par nécessité
Enfant, Philomène, rêvait d’être infirmière. Mais, comme presqu’il est de coutume, il y a ce qu’on veut et il y a ce que la vie, faite d’épreuves et de péripéties, nous facilite.
Après l’obtention de son diplôme de BEPC en 2011, Philomène, qui voit son futur dans la médecine, se retrouve face à un dilemme et pas, le moindre. Exécuter les ordres de son père qui souhaite l’inscrire dans une ENEP à titre privé, soit poursuivre son rêve de devenir infirmière !
Elle abandonne le sien au profit des orientations de son géniteur. « Après la formation à l’ENEP, j’ai été employée en tant qu’institutrice adjointe certifiée à l’école de Tibin », se souvient-elle.
Dynamique, forte, courageuse et rigoureuse, Philomène, bien qu’elle soit venue dans l’enseignement après insistance de son père, connaît un parcours jalonné de merveilleux résultats.
Pour une personne qui n’avait les yeux rivés que sur la médecine, Philomène d’une volteface, avoue être conquis par le métier d’enseignement. « Je ne suis pas enseignante par passion. Mon père trouvait que je prenais de l’âge vu que ce n’était pas facile. Mais, j’ai acquis l’amour du métier en me forgeant. Surtout, l’amour des enfants m’a amené à me donner, à fond. J’ai travaillé à avoir la vocation acquise, par amour pour les enfants », confie-t-elle.
Détentrice d’une classe de CM2 en 2022, elle élève son établissement scolaire au rang des meilleurs avec un taux de succès de 100% à l’examen. En 2023, une nouvelle mission lui est confiée. Reprendre la classe de CE2 afin d’accompagner les siens jusqu’au CM2.
Un défi qu’elle relève avec brio, grâce à son travail acharné. Avec une classe de CM2 en cette année scolaire 2024-2025, elle fait un taux de 75 % à l’examen de CEP.
Insatiable et toujours aspirante à faire mieux, elle déclare : « Le fait de faire 75 % à l’examen ne me réjouit pas puisque, quand je vois certains élèves qui n’ont pas réussi, j’ai de la peine pour eux. 9 mois dans la souffrance et sortir bredouille, ça fait mal au cœur ».
« L’héroïne de Tibin »
En plus d’être une institutrice dévouée à l’éducation, Philomène est aussi une âme généreuse. En effet, elle est désormais perçue dans son établissement scolaire, et même dans tout le village de Tibin comme une héroïne après avoir aidé Kadi, une fille de 12 ans à se faire opérer d’une tumeur des muscles de 4 kilogrammes. Pour Philomène, cet acte est sa plus grande fierté. « Kadi souffrait d’une tumeur des muscles de 4 kilogrammes. La tumeur a eu le temps de prendre forme et l’enfant semblait avoir deux têtes. Mais, avent de m’engager dans le cas de Kadi, j’ai prié et fait des rosaires », informe-t-elle.

Pour parvenir à sauver Kadi, Philomène Koama, qui n’est ni enseignante de la concernée, ni une parente, sacrifie ses congés de mois de mars 2025 au Centre Hospitalier Yalgado Ouédraogo (CHU-YO). Incapable de solder les frais de l’intervention chirurgicale de Kadi d’une valeur de 800 mille francs CFA, elle ne baisse pas les bras et se transforme en mendiante par nécessité, auprès des centres de la places, notamment l’Action Sociale et de bonnes volontés jusqu’à ce qu’elle trouve gain de cause.
Kadi, d’un air timide, lui en est reconnaissante. « Je suis contente pour ce que madame a fait pour moi. Elle est gentille », dit-elle.
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Bien que son engagement dans la prise en charge de Kadi soit louable, l’enseignante est loin d’être à son premier acte humanitaire. « Kadi n’est pas la première personne que j’ai aidée. En 2021, je partais en voyage et j’ai rencontré une dame qui était en plein travail d’accouchement. Vu que cette dernière était accompagnée par une vielle, j’ai les ai accompagnées à l’hôpital, à Ouagadougou et je les ai assistées jusqu’à ce que la femme accouche avant de continuer mon chemin. La vieille voulait me donner l’enfant. Mais, c’était un petit garçon. Donc, elle ne l’a pas fait. Malheureusement, j’ai changé de téléphone et j’ai perdu leur contact », affirme-t-elle.
Philomène, c’est aussi une bonne collègue et une sœur en Or pour ses frères.
« Quand on connaît le genre de personne qu’est Philomène, on se demande comment ne pas aimer un être aussi doux qu’elle », affirme Rosine Bére Ouédraogo, une collègue de Philomène Koama depuis de nombreuses années.
Frère de même père et de même mère ou pas, aider ne dépend aucunement du lien paternel, maternel, ni même du sang pour Philomène Koama. Simon Koama, grand-frère de Philomène Koama en témoigne. « Philomène, c’est ma petite sœur de même père. Mais, pas de même mère. Je ne saurai finir de vous parler de ses qualités. Mais, ce qu’elle a fait pour moi et que je ne pourrais jamais oublier, c’est que Philomène, après intégration en tant qu’institutrice adjointe certifiée, m’a remis la somme de 100 mille FCFA pour que je puisse investir dans mon domaine, que sont les travaux champêtres », se remémore Simon Koama, la voix pleine d’émotion et d’ajouter : « J’ai une fille qui, après l’obtention de son CEP, est allée à Ouagadougou. Cette dernière a fait savoir qu’elle ne veut pas continuer les études. Elle a dit qu’elle veut faire la couture. Philomène m’a informé et j’ai dit qu’elle va devoir rentrer au village pour ça. Philomène a refusé et elle a inscrit l’enfant dans un centre de formation professionnelle. Ma fille a fait plus de trois ans, là-bas et je sais que cela a coûté plus de 500 mille à Philomène ».

Même si je meurs et que mes os se décomposent dans ma tombe, poursuit-il, je ne pourrais pas oublier ce qu’elle a fait pour ma fille.
Philomène dédie son engagement, son sens du partage et sa capacité à aider autrui à son défunt père, décédé en 2023, de qui, elle a reçu une bonne éducation.
« J’ai reçu une bonne éducation de mes parents, surtout côté papa. J’ai eu un père courageux, rigoureux qui nous a enseignés des bonnes valeurs telles que le respect, le dévouement au travail », nous confie-t-elle.
Philomène, c’est aussi une femme ambitieuse. Alors qu’elle rêve de continuer à impacter positivement les enfants dans le futur tout en évoluant dans l’éducation, son souhait est de réussir le concours des Professeurs des lycées et collèges. « Raison pour laquelle, j’ai poursuivi mes études en cours d’appuis à Zorgho », explique-t-elle. En effet, la jeune dame vient d’obtenir une licence en anglais, au cours de cette année 2025.

S’il y a un projet qui lui tient à cœur, c’est celui de construire un orphelinat au Burkina Faso. Rien d’étonnant, au regard de ses multiples actions de charité posées, malgré son jeune âge. Elle dit s’inspirer de Millie Marta, une influenceuse des réseaux sociaux, surnommée la Sage-femme nationale. « C’est une femme qui m’inspire du fait de son dévouement, son courage et son engagement dans l’humanitaire que je vois à travers les réseaux sociaux », affirme-t-elle, espérant faire un jour, sa connaissance.
Abdoulaye Ouedraogo