Comment comprenez-vous la demande de retrait du Nom de l’Artiste Rappeur Smarty du Primud 2025 du promoteur et Artiste Molare ? C’est son droit le plus absolu que tous devraient respecter ? Est-ce dû à la dimension de l’artiste qu’il est ? …. La préoccupation est de Benjamin Kouame, journaliste à BF1 qui demande l’avis des internautes. A ce sujet, Bruno Bayala a donné son avis.
Les distinctions artistiques occupent une place particulière dans la carrière des musiciens africains. Elles permettent non seulement de valoriser un talent. Mais aussi de renforcer son rayonnement continental. Ainsi, le Primud en Côte d’Ivoire est aujourd’hui, considéré comme une grande tribune de reconnaissance des artistes.
Pourtant, l’édition 2025 a été marquée par une décision singulière.
L’artiste burkinabè Smarty, figure majeure du rap engagé africain a demandé le retrait de son nom de la liste des nominés. Ce choix inattendu a provoqué débats et interrogations. Relève-t-il d’un droit légitime et d’une cohérence artistique ? Ou s’agit-il d’une décision aux allures de désaveu qui peut ternir son image auprès d’une partie du public ?
La décision de Smarty de se retirer du « meilleur artiste rap francophone Afrique » du Primud doit-elle être comprise comme une affirmation de liberté artistique et de stature ou comme un risque de rupture avec le public et ses pairs ?
Nous verrons d’abord que ce retrait traduit un droit légitime et une fidélité à son identité artistique (I), avant d’examiner les critiques et les effets négatifs que ce choix peut engendrer (II), pour enfin proposer une lecture nuancée qui replace ce geste dans une perspective plus large de réflexion sur le rapport des artistes aux distinctions (III).
Un retrait légitime et cohérent avec la stature de Smarty
Un artiste demeure maître de son image et de sa carrière. Rien n’oblige Smarty à accepter une nomination qu’il juge inopportune. Lauréat du prix « RFI Découvertes », figure respectée du rap africain, Smarty n’a pas besoin d’un prix supplémentaire pour valider son talent. Son rap se distingue par une dimension poétique et engagée. Participer à un concours où la popularité médiatique peut primer sur le contenu pourrait être perçu comme une incohérence avec sa ligne artistique. Cependant, au-delà de ce droit légitime, cette décision soulève des critiques notamment en ce qui concerne son rapport avec la jeune génération et son public ivoirien.
Les critiques et conséquences possibles de ce retrait
Certains y voient un refus de « se rabaisser » en se mesurant à ses « petits frères » rappeurs, ce qui peut nourrir un sentiment d’arrogance. Face à la nouvelle vague de jeunes artistes très suivis sur les réseaux sociaux, le retrait peut être interprété comme une peur de ne pas l’emporter. Le Primud ayant voulu l’honorer, refuser cette distinction peut apparaître comme un manque de considération pour l’événement et pour le public ivoirien, ce qui pourrait fragiliser son ancrage auprès de la lagune Ébrié. Ces critiques ne doivent cependant pas occulter une lecture plus profonde qui invite à réfléchir sur le sens même des distinctions dans la trajectoire d’un artiste
Vers une lecture nuancée : une réflexion sur la place des distinctions
Les prix sont comme tremplin mais pas comme finalité. Pour un artiste émergent, les récompenses sont essentielles ; pour un artiste confirmé comme Smarty, elles deviennent accessoires. Une affirmation de liberté : ce retrait peut être vu comme un acte de courage, refusant la dictature des compétitions et des logiques commerciales. Smarty rappelle ainsi que la vraie consécration d’un artiste ne réside pas dans les trophées, mais dans la fidélité à son art, à ses convictions et à son public.
En définitive, la décision de Smarty de demander le retrait de son nom du Primud 2025 peut être comprise à la fois comme une affirmation de souveraineté artistique et comme un choix risqué pour son image en Côte d’Ivoire. D’un côté, elle traduit la cohérence d’un artiste soucieux de rester fidèle à sa ligne ; de l’autre, elle peut être interprétée comme une distance, voire une crainte face à la nouvelle génération. Plus largement, ce débat met en lumière une question essentielle, les prix doivent-ils être considérés comme l’aboutissement d’une carrière artistique ou seulement comme une étape parmi d’autres ? Smarty, en refusant la logique de compétition, semble avoir déjà tranché. Pour lui, la véritable victoire réside dans la sincérité de l’œuvre et la profondeur du message.
Bruno Bayala