Radio Munyu à Banfora, Radio Tin Tua à Fada, la Voix du Paysan à Ouahigouya, radio Kakoad Yam Vénégré à Ziniaré, radio Palabre à Koudougou. Voici cinq médias locaux parcourus de juillet 2023 à mars 2024 par Dasmané Niangané, doctorant en sciences de l’information et de la communication. Cette tournée s’inscrit dans le cadre de sa thèse dont il espère bientôt, la soutenance. L’objectif est d’analyser l’impact du soutien des ONG développementalistes sur ces radios communautaires. A l’occasion des Universités africaines de la Communication (UACO), il a donné un aperçu des résultats de ses recherches. Apprenez-en plus dans cet entretien !
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Pour ce panel, j’ai abordé comme thème « Les dynamiques communautaires des radios locales burkinabè à l’épreuve des approches développementalistes des ONG étrangères ».
Nous sommes partis du contexte burkinabè où il y a une prolifération d’ONG surtout, étrangères qui appuient plusieurs secteurs dont celui des médias et plus précisément, les radios communautaires. Le processus d’intervention de ces ONG, ne colle pas parfois, aux réalités de ces radios parce qu’elles ont une vocation communautaire qui veut que toute intervention à leur endroit respecte le principe participatif. C’est-à-dire qu’il faut collaborer avec ces radios, avec les communautés avant de mettre en œuvre, les différents projets et actions qu’elles ont pour eux. Mais, il se trouve que ces ONG leur offrent des programmes, émissions commandées, émissions recommandées ou encore des émissions préconçues.
On parle d’émissions commandées lorsque l’ONG dit à la radio de faire telle émission, dans tel ou tel sens, avec tel thème ou tel invité. Ou bien, à l’issue d‘une formation, l’ONG dit de produire des émissions sur un thème bien précis. En plus, pour certaines émissions, ils écrivent des scénarios déjà prêts où animateur et invité.e.s, chacun a un rôle déjà défini, un programme prédéfini selon la convenance de l’ONG et ça passe. Quand il s’agit d’émissions préconçues, ces ONG les produisent elles-mêmes dans leurs propres studios et les donnent aux radios pour diffusion. Si c’est fait de cette façon, les radios n’ont pas participé.
Quels autres constats avez-vous faits ?
La plupart des ONG choisit son sujet et elle fait l’émission. Ces ONG choisissent aussi leurs invités et les prennent en charge. C’est difficile pour les radios communautaires de faire la même chose et ça démobilise les invités à leur niveau parce que ces derniers pensent que, être invité à participer à une émission équivaut à recevoir de l’argent de la part de la radio. On note que cette pratique est spécifique aux ONG. Il y a aussi des thématiques qui ne plaisent pas aux communautés et elles n’arrivent même pas à participer, à interagir lors de la diffusion de ces émissions pour dire leur mot. Quand c’est comme ça, ce sont les radios communautaires qui perdent. L‘intervention des ONG, la manière en tout cas, ne contribuent pas à maintenir les communautés autour de ces médias parce que ce n’est pas une pratique endogène.
Cependant, nous reconnaissons que l’appui des ONG a permis de former le personnel des radios, d’acquérir du matériel technique et des équipements. Seulement, c’est leur approche qui démobilise la participation communautaire.
En réalité, si ces ONG contribuent à appuyer les radios, c’est parce qu’il y a en quelque sorte,un vide. Le fait que les communautés locales, les institutions locales ou encore l’État central n‘appuient pas suffisamment les radios. Ainsi, celles-ci sont obligées de se tourner vers ces ONG.
Mais, comment faire la différence entre radios communautaires et radios commerciales ?
Les radios communautaires sont dans des localités et les communautés, les reconnaissent comme les siennes parce qu’elles sont à la base. Quand une communauté ne reconnait pas une radio, c’est que ce n’est pas sa radio.
Les radios commerciales quant à elles, sont des médias à but lucratif. Leur objectif est de se faire de l’argent.
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Parfois, les communautés croient qu’il faut forcément leur donner de l’argent pour avoir fourni une information ou pour être invité à une émission. Pourquoi cette tendance ?
De façon générale, les radios communautaires dès leur création mobilisaient du monde. Les gens couraient de partout pour venir. Ils assistaient à l’ouverture, aux travaux, apportaient leur propre contribution. Mais, de plus en plus, ce n’est plus le cas parce que les ONG étrangères ont changé leur habitude en leur inculquant la prise en charge du déplacement des invités et cela a fini par devenir comme une norme.
Les gens doivent comprendre que l’objectif de ces radios n’est pas de donner le carburant pour motiver une quelconque participation. Leur rôle est d’apporter l’information et elles sont là pour ça. Elles ont plutôt besoin de l’appui de la communauté pour survivre.
Quel peut être le rôle des médias dans la sensibilisation de la population sur ce comportement ?
C’est l’éducation aux médias qu’il faut. Les managers doivent aller vers le communautés pour leur dire : c’est votre média. Tant que le média n’est pas là, c’est évident que quelque chose va vous manquer, l’information. Si vous ne vous l’appropriez pas, d’autres personnes le feront. Mais, si vous contribuez, la radio sera obligée de vous donner la parole et vous pourrez ainsi exprimer votre avis. L’un des exemples est le planning familial.
En conclusion ?
J’appelle surtout, les communautés à s’approprier leurs radios, les institutions locales à contribuer au développement de leur radios. Au niveau de l’État central, il est important de comprendre que ces radios sont délaissées. De ce fait, les ONG et autres structures viendront s’en accaparer et c’est pas suur que le message qu’ils vont passer sera endogène.
Il y a aussi un contrôle étatique qu’il faut mettre en place, le Conseil supérieur de la Communication, le ministère de la communication doivent veiller à l’application de certains texte et là, les règles seront respectées. Par exemple, certaines radios n’ont pas de subventions, c’est donc difficile pour elles de fonctionner.
Entretien réalisée par Françoise Tougry/Queenmafa.net