Cadre en Emploi et Formation professionnelle en service à la Direction générale de l’Autonomisation des Jeunes et de l’Éducation permanente au Ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, Fidèle Kaboré Kantiono a une licence en Lettres modernes. Ayant obtenu le concours des Assistants en Emploi et Formation professionnelle en 2013, elle est affecté en fin 2015 à Kaya, à la Direction régionale de la Jeunesse et de l’Emploi du Centre-Nord. Deux ans plus tard, elle intégre la Direction du Développement institutionnel et de l’Innovation à Ouagadougou. En 2018, elle est admise au concours professionnel des Conseillers en Emploi et Formation professionnelle. En 2021, elle rejoint la Direction générale de la Jeunesse et de l’Éducation permanente, actuelle Direction générale de l’Autonomisation des Jeunes et de l’Éducation permanente où elle y est en tant que chargée de la promotion de l’engagement citoyen des jeunes. Ce 29 octobre 2025, nous avons échangé avec elle, sur la problématique de l’employabilité et de l’autonomisation des jeunes.
Comment se fait l’accompagnement des initiatives portées par les jeunes ?
Nous accompagnons les jeunes dans les domaines de l’entrepreneuriat, de l’éducation permanente, de la vie associative. Dans le domaine de l’entrepreneuriat, l’accompagnement se fait à travers les formations à l’esprit d’entreprise, l’éducation financière, la facilitation à l’accès au financement à travers le montage des plans d’affaires et les appui-conseils.
Dans le passé, les jeunes porteurs de meilleurs projets bénéficiaient des kits d’installation à l’issue des formations. Mais, depuis quelques années, cet accompagnement souffre de la rareté des ressources financières. Cependant, quelques partenaires continuent de les soutenir. Donc, nous arrivons toujours à donner des chèques aux jeunes porteurs de projet pour qu’ils puissent s’installer à leur propre compte.
Notre direction fait des plaidoyers pour la prise en comptes des jeunes dans les sphères de prise de décisions. Elle apporte également aux jeunes des appuis techniques à travers les formations sur la vie associative, la mobilisation des ressources au profit de leurs associations, la gestion des conflits au sein des associations, le leadership, et bien d’autres thématiques.
Elle intervient aussi dans la protection des jeunes notamment dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, les sensibilisations sur les conduites addictives, le civisme et la citoyenneté et bien d’autres.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans l’atteinte de vos objectifs ?
L’insuffisance des ressources constitue parfois, un frein à nos ambitions. Etant donné que nos ressources sont limitées, nous utilisons souvent, les moyens de bord pour assurer les appuis techniques. Nous sommes dans un contexte où nous faisons la promotion du patriotisme et cela, à travers des sensibilisations sur la Révolution progressiste et populaire. C’est aussi une manière d’accompagner les autorités pour une prise de conscience collective de la population et un changement de mentalité.
Pour l’atteinte de nos objectifs, nous apportons plus de l’accompagnement technique et parfois, nous orientions certains jeunes auprès des partenaires techniques et financiers du ministère si nous trouvons que l’activité est pertinente.
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Quels liens y a-t-il entre jeunesse, emploi et formation professionnelle ?
Après ma formation de cadre en emploi, j’ai été affectée dans une direction en charge de la jeunesse. Mais, je me suis très vite adaptée vu qu’on ne peut pas parler d’emploi ni de formation sans faire appel aux jeunes. Ces notions sont étroitement liées. En effet, selon la charte africaine de la jeunesse, le jeune est celui dont l’âge est compris entre 15 et 35 ans. C’est la période cruciale de sa vie, il doit se construire et avoir une base qui est le plus souvent, l’emploi. Ainsi, la formation professionnelle permet aux jeunes d’acquérir des compétences qui, plus tard, leur permettront de s’insérer professionnellement et socialement.
L’enseignement général ne nous apprend pas à faire quelque chose de nos doigts.
Parlons à présent, de la problématique de l’autonomisation des jeunes au Burkina Faso!
Au Burkina Faso, on a un problème qui, on espère, va se résoudre avec les autorités en place, à travers les différentes initiatives visant la valorisation de la formation professionnelle. L’enseignement général ne nous apprend pas à faire quelque chose de nos doigts. On est formé pour passer les concours de la fonction publique.
Au regard de cette situation, l’employabilité des jeunes au Burkina est marquée par un taux de chômage et de sous-emploi très élevé. Cela est dû à l’inadaptation de la formation aux besoins du marché de l’emploi. Les jeunes sont formés, mais, que peuvent-ils faire avec cette formation ? Si bien qu’ils retombent dans le chômage et le sous-emploi ou avec des salaires précaires.
On aurait souhaité que si le jeune n’est pas recruté par l’Etat après sa formation, qu’il puisse au moins se créer un emploi. Aujourd’hui, quand on prend le taux de chômage et le taux d’emploi par rapport au taux de jeunes diplômés, le gap est considérable. Nous, nous avons eu cette chance d’intégrer facilement la fonction publique parce que le nombre de candidats était à des proportions raisonnables par rapport au nombre de postes à pourvoir. Aujourd’hui, l’admission à un concours de la fonction publique est devenue très difficile, car ce sont des milliers de diplômés qui sortent chaque année des écoles et dont la quasi-totalité ne vise que la fonction publique.

Comment les jeunes filles peuvent-elles s’affirmer davantage dans le milieu de l’employabilité ?
On est en train de tendre vers une logique où il n’y a plus de métiers pour des hommes et d’autres pour des femmes. J’encourage les jeunes filles à se faire former même dans les métiers dits réservés aux hommes parce qu’il n’y a plus d’emplois. Il y a des filières innovantes telles la mécanique-automobile, l’électricité-bâtiment, la plomberie sanitaire, etc. qui jadis, étaient exercés par les hommes et qui peuvent intéresser aussi les femmes.
De par le passé, il n’y avait pas de filles dans ce domaine. Mais, de nos jours, cette barrière n’existe plus. Les filles font ce que les hommes font et vice-versa. Après la formation, elles peuvent travailler en association ou créer leurs propres entreprises. Une fille qui ne fait rien peut être exposée à tous les vices. Donc, l’auto-emploi peut contribuer à l’autonomisation de la jeune fille et à l’affirmation de son leadership.
Même les maris qui ont demandé à leurs épouses d’abandonner leur emploi et de rester dans le foyer ont fini par se lasser de la demande.
Quels sont les pièges qu’il faut éviter ?
Evitez de tomber dans la facilité ! Croire qu’on peut réussir sans effort n’est pas vrai. Il faut se former et accepter, apprendre. Certaines jeunes filles ne veulent rien faire. Pourtant, elles aspirent à une vie meilleure tout en sachant que les parents ne peuvent pas leur offrir ce luxe. Elles sont obligées de se livrer à certaines pratiques qui ne les honorent pas. La prostitution a pris de l’ampleur parce que les gens ne veulent pas travailler. Pourtant, l’option la plus digne et honnête pour vivre dans le luxe, c’est le travail.
Chez la femme, ne dit-on pas que le premier mari c’est son travail ? Il faut alors, s’autonomiser financièrement avant de s’engager dans quoi que ce soit. Pour de nombreuses femmes au foyer, leurs maris ne se soucient même plus d’elles. Si tu n’as pas une source de revenus, chaque fois, il faut tendre la main et cela devient lassant et pour la femme et pour l’homme. Au début, ça marche. Mais, cela ne saurait durer. Cela entraîne des tensions inutiles, des frustrations, de part et d’autres. Or, si une femme est autonome financièrement, elle peut contribuer aux charges et subvenir à ses besoins. Pour que le foyer fonctionne bien, il faut que chacun apporte sa contribution.
Donc, jeunes filles et femmes, autonomisez-vous financièrement, trouvez une activité digne pour avoir une source de revenus !
L’école n’est pas le seul chemin de la réussite.
Quelle expérience avez-vous, à partager avec nous ?
Ma maman fut dolotière. En classe de CE2, un matin, j’ai refusé d’aller à l’école sous prétexte que j’allais aider à faire le dolo. Mais, je n’ai pas été comprise et j’ai été copieusement bastonné. Je suis allée à l’école en pleurant.
En fait, je n’ai pas été comprise. Mais, j’avais déjà en moi, cette idée d’entreprendre et d’autonomie financière depuis le bas-âge. Ainsi, à l’époque les jeudis soir où on ne partait pas à l’école, je mobilisais mes camarades pour vendre l’eau au marché dans des petits canaris en terre, à 5 francs CFA.
Ensuite, quand j’ai grandi un peu, pendant les vacances, je vendais le maïs braisé jusqu’à la rentrée. Ce qui me permettait d’avoir de l’argent pour satisfaire certains besoins à la rentrée.
Au secondaire, ma mère, bousculée par ses activités associatives où elle est co-fondatrice a voulu abandonner l’industrie du dolo. J’ai donc, pris la relève. Elle m’a donné deux sacs de 100 kg de mil que je faisais germer et le jeudi après les classes, je commençais la préparation. Pour la vente, je prélevais une partie du dolo qui était vendue, le samedi soir dans un bar qui drainait un monde important. Puis, le reste était vendu le dimanche. Le lundi, je reprenais le chemin de l’école. J’ai fait cela jusqu’à l’obtention de mon baccalauréat en 2006 et je devrais venir à Ouagadougou pour l’université.
Arrivée à l’université à ma deuxième année, quand j’ai pris mon FONER, j’ai acheté un congélateur d’occasion couramment appelé France-au-revoir à 125 000 FCFA et je me suis lancée dans la vente d’eau glacée, les jus et même les gâteaux avec l’aide de jeunes garçons. Au bout d’un an, j’avais trois pousse- pousses qui me permettaient de recruter 03 jeunes pour la vente. Le bénéfice de cette activité m’a permis en 2014 d’acheter un tricycle de plus d’un million pour ma maman sans faire recours à un quelconque prêt.
Aujourd’hui, je fais les études jusqu’à l’université, je suis fonctionnaire de l’État. Mais, si ma mère m’avait comprise ; Puis, soutenue, peut-être que j’allais réussir dans un domaine autre que le bureau.
Beaucoup de parents n’ont toujours pas compris que l’école n’est pas le seul chemin de la réussite.
Personnellement, comment accompagnez-vous les jeunes ?
Avec ma petite expérience, j’encourage et je conseille toujours les jeunes filles, d’avoir des projets de vie autres que de voir le mariage comme une porte de sortie.
Pour les initiatives de jeunes, nous faisons de notre mieux pour les soutenir.
En avril 2025, j’ai été l’invitée d’honneur à la finale du tournoi de football et handball féminin organisé par l’Association pour la Promotion de la Culture, de l’Éducation et du Sport dans le Sanguié où j’ai été très émue de voir des jeunes filles, jouer bien le ballon avec cette rage de vaincre.
Ce sont des initiatives qu’il faut encourager car elles permettent d’autonomiser, surtout les jeunes filles. Des plaidoyers pourront être faits pour permettre à ces jeunes de faire valoir leurs talents
Avoir la rage de réussir son projet !
Quels conseils donnerez-vous à ces jeunes filles et garçons qui peinent à trouver du travail ?
Cherchez de petits emplois, créez de petits boulots qui pourront devenir de grandes entreprises! Ne vous contentez pas seulement des concours de la fonction publique parce que les chances sont tellement minimes à ce niveau ! Trouver aussi un emploi avec un salaire approprié n’est pas facile ! Donc, il faut accepter d’entreprendre et surtout se faire confiance avec la rage de réussir son projet !
Entretien réalisé par Françoise Tougry / Queen Mafa







