Lorsqu’il est rentré au pays en 2006 pour lancer sa ligne ethnique en Faso Danfani, il a dû faire face à des critiques et tentatives de découragement. Mais François Yaméogo, plus connu sur le nom de François 1er, y croyait. « On peut bien utiliser notre matière première locale qui est le Faso Danfani pour produire des vêtements pour l’Europe », clame le défenseur de la mode ethnique contemporaine. Grâce à cette passion, François 1er a réussi à se faire un nom dans l’univers de la mode. Ses créations parcourent aujourd’hui le monde entier et racontent toujours une histoire : celle d’un Burkina et d’une Afrique qui s’ouvrent à l’universel.
Queen Mafa : Parlez-nous de votre dernière collection
François 1er : Ma dernière collection date de 2016 et a déjà été utilisée pour trois grands défilés, à savoir Folie de mode, Mode Afrique et la soirée de clôture du Coach coton. Mais généralement François défile toujours avec une nouvelle collection.
Chaque fois que je suis invité à un défilé, le concept ne change pas. C’est la mode ethnique, la mode économique ou commerciale ; une mode prêt- à-porter, une mode qui fait le développement de l’Afrique.
Quelle est la génération ciblée dans cette collection ?
Ma collection montre une Afrique qui s’associe au monde, une Afrique qui va vers la mondialisation. Ma collection cible surtout l’Afrique d’aujourd’hui mais pas la clientèle des tenues traditionnelles.
Quelle est la source d’inspiration de François 1er ?
L’inspiration vient de partout : le regard du monde, l’écoute des autres, la matière première, les tisserands, les gens qui font les couleurs, la nature, la force culturelle du Burkina, de l’Afrique et du monde.
Quelle est le plus grand succès de François 1er ?
C’est de partir de rien en 2006 pour être ce que je suis aujourd’hui. Beaucoup me disaient que ça n’allait pas marcher surtout avec l’apparition de la friperie. D’autres disaient que c’est lourd, que c’est ceci ou cela, que c’est cher, etc. Mais moi j’y croyais et voilà ! Je vois même que beaucoup de tailleurs, de couturiers s’allient à moi et d’autres même me copient (rires). Donc c’est un succès pour moi et c’est un grand succès de savoir qu’on aime ce que je fais. On appelle ça le leadership.
Avez-vous déjà eu peur d’échouer professionnellement ?
Non, jamais. La peur ne fait pas partie de ma vie. Si on a peur on ne peut pas réussir ni avancer.
Y a-t-il un aspect de votre carrière sur lequel vous n’êtes pas satisfait ?
Franchement, je vis pleinement ma carrière. J’ai commencé comme tailleur à Ouagadougou, ensuite je suis allé à Treichville à Abidjan. Je suis reparti à Dakar pour des formations et aujourd’hui je suis également basé à Paris où je suis à la conquête d’un autre monde. J’ai d’abord été modéliste et après chef de production et créateur en 1992 où j’ai créé ma marque et ensuite l’équipe de l’ethnique contemporaine et aujourd’hui je suis en train de faire la semi-industrialisation. Donc vraiment je peux dire que je suis un homme béni de Dieu. Je suis satisfait de tout ce que j’ai pu réaliser. Il y a toujours eu des péripéties mais cela m’a aguerri. Ces difficultés m’ont permis également de grandir et surtout d’accepter les autres.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans votre parcours ?
Tout est difficile pour un homme qui veut partir de rien pour réussir sa carrière de nos jours et surtout quand tu es dans un trou. Et même quand tu arrives à sortir du trou, il faut apprendre à marcher et après à courir donc c’est toujours difficile mais c’est ça aussi la force.

Vous avez eu un différend récemment avec Georges de Baziri, pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
Ce n’est pas un différent. J’ai juste essayé de mettre les choses à leur place. Georges de Baziri, c’est un frère, c’est un ami et ce qu’il fait à Paris, c’est moi qui ai fait la mise en place. Miss Burkina, c’est moi qui en suis le concepteur. C’est une personne que j’ai fait entrer dans la mode. Il peut même l’avouer. Il y a eu juste des choses qui n’étaient pas cohérentes. J’ai juste essayé de mettre les choses en place et de montrer que dans ce travail comme dans tout autre, il y a des règles et de l’éthique. Il faut que les gens arrêtent de se copier, que chacun soit créatif et que chacun puisse coller son travail à sa marque et son concept. J’aime bien des stylistes mais je n’ai jamais voulu faire comme eux. Quand on veut évoluer il faut avoir son concept. Je le répète, Georges de Baziri est un ami, c’est un frère et il n’y a pas de différend entre nous.
Quels sont les rapports que vous entretenez avec les autres stylistes modélistes du Faso ?
J’ai de très bons rapports avec les autres stylistes-modélistes du Faso. Je n’ai pas de soucis. La nouvelle génération est passée me remettre un trophée il n’y a pas longtemps et je suis leur parrain. Moi j’ai une autre vision de la vie et je pense qu’entre nous stylistes, on doit dialoguer plus pour pouvoir conquérir le monde.
Pourquoi François 1er travaille essentiellement sur le Faso Danfani ?
Cette idée est née en 1992 en France. Il s’agit d’aller un peu vers l’écologie en faisant un clin d’œil aux énergies renouvelables. C’est pourquoi mon étiquette est en carton en bois pour exprimer la couleur de l’environnement. Donc je suis parti avec la nature. En venant en Afrique, c’était tout naturellement que je me suis intéressé au Faso Danfani, pour garder le côté naturel, en luttant contre la pollution. Ce n’est pas juste un concept pour gagner de l’argent. L’objectif premier, c’est la sensibilisation.
Quelle lecture faites-vous de la tendance actuelle du Faso Danfani sur le marché ?
C’est vrai, il y a de plus en plus d’engouement autour du Faso Danfani qu’avant. Nos autorités s’habillent presque toutes en Danfani.
Mais il ne faut dire qu’on passe notre temps à faire de la visibilité. C’est bien mais cette visibilité est plus utilisée par l’Europe. Si vous regardez les sacs à main, les chaussures et autres accessoires, tout est inspiré de l’Afrique. Il faut qu’on s’organise pour mettre notre Faso Danfani en valeur et vendre même en Chine. On passe notre temps à porter, à montrer et défiler sans poser des actes concrets pour promouvoir la chaîne de production et mieux aller vers l’industrialisation en vue de l’exportation. Si l’on n’y prend pas garde, ce sont des produits chinois qui vont nous envahir. On doit faire de telle sorte que si on parle du Faso Danfani, on voie le pagne tissé au Burkina et cousu au Burkina. Ça doit être un label qu’il faut défendre.
Un dernier mot
Je remercie Queen Mafa et lui souhaite bon vent. Je souhaite que ce nouveau-né dans la presse permette à la mode de se lancer. Mettez toujours en avant la femme !
Entretien réalisé par Aminata Gansonré
Quelles sont vos trois grandes qualités ?
La naïveté, le courage et la persévérance.
Et vos défauts ?
C’est l’ouverture. Je suis très ouvert.
Si François 1er était une couleur ?
La couleur bleue qui représente le ciel.
Un tissu ?
Le coton.
Un outil ?
Une paire de ciseaux.
Un mannequin ?
Mannequin d’essayage pour qu’on m’utilise tous les jours, qu’on me trimballe partout et qu’on m’habille et me déshabille.