Enfant malformé : comment s’éviter cette douloureuse épreuve ? Les explications et les conseils du Dr Yacouba Ouattara

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Les malformations fœtales sont de plus en plus constatées au Burkina Faso. Naissants avec des anomalies mineures ou majeures, certains enfants à défaut de mourir précocement ont un grand mal à s’intégrer dans la société. Qu’est ce qui explique ces malformations ? comment les prévenir ?  Explications avec Docteur Yacouba OUATTARA, Gynécologue Obstétricien au Centre Médical avec Antenne Chirurgicale (CMA) Paul VI, Secrétaire Général de la société des gynécologues et obstétriciens du Burkina (SOGOB).

Queen Mafa : Qu’est-ce que la malformation fœtale ?

 Dr. Yacouba OUATTARA : La malformation est une anomalie de la formation ou de la conformation d’un tissu ou d’un organe ou d’une partie du corps humain ; c’est-à-dire que le tissu n’est pas conforme au tissu normal ou l’organe n’est pas conforme à ce qu’il devrait être. C’est donc une anomalie chez l’embryon ou chez le fœtus.  L’anomalie peut être mineure (une simple disgrâce) mais il peut s’agir d’une malformation majeure qui est généralement incompatible avec une vie normale. L’anomalie mineure, c’est par exemple le sixième doigt ou le sixième orteil ; celle –ci, bien qu’un peu gênant demeure compatible avec la vie.

L’anomalie est dite majeure lorsqu’elle peut compromettre la santé ou la survie du fœtus. Une telle situation est très stressante pour le couple concerné et encore plus pour la mère qui porte la grossesse.

Quelles sont les causes de ces malformations ?

Très souvent on ne connaît pas les causes exactes de ces malformations. Mais, ce que l’on sait est que pour tout départ d’une vie humaine, ce sont deux cellules qui sont à l’origine. Un gamète mâle et un gamète femelle, chacun transportant son patrimoine génétique. La fusion de ces deux gamètes donne un œuf, le bagage complet pour un être vivant. Cet œuf va se différencier et à chaque étape une anomalie peut survenir. Et quand une anomalie survient précocement, elle a plus de risque d’être sévère.

Schématiquement, on distingue les causes intrinsèques ou primaires et les causes extrinsèques où l’anomalie est secondaire.

Dans le cas de l’anomalie primaire ou constitutionnelle, les causes sont intrinsèques aux deux parents grâce à qui, un être vivant va être formé. Cela veut dire que l’anomalie se trouve dans le patrimoine génétique du fœtus.

Les causes secondaires sont les infections parasitaires telle que la toxoplasmose, les infections virales telle que la rubéole. Les infections qu’elles soient bactériennes ou virales peuvent causer des malformations selon la sévérité de l’infection. Il y a aussi les causes toxiques (l’exposition au tabagisme actif ou passif, la drogue, les déchets toxiques…), les causes métaboliques dont le diabète est un exemple patent, les causes médicamenteuses qui sont nombreuses, les irradiations avec les rayons X qui sont à éviter chez la femme enceinte sauf des certaines circonstances bien précises…

Par ailleurs, une situation où le liquide amniotique a coulé (dans les cas de rupture prématurée des membranes), le fœtus n’arrive plus à se mouvoir dans l’utérus, il est coincé partout, cela peut conduire facilement à des déformations importantes telle une arthrogrypose mais également à des anomalies fonctionnelles ; les reins du fœtus ne seront plus bien irrigués car il n’a plus de liquide à boire.

Autre situation non moins fréquente : les personnes dont l’âge est avancé sont plus susceptibles aussi d’avoir des enfants malformés. C’est surtout du côté de l’homme parce que la femme a une période de procréation bien balisée ; il est plus conseillé pour un homme de ne pas enfanter après 50 ans sauf si des contraintes ou des difficultés d’enfanter perdurent. Sachez qu’en pratique nous rencontrons des situations où une jeune dame de 25 ans enceinte est la dernière épouse d’un homme de 70 ans ou plus. Vous convenez avec moi que ce géniteur est raisonnablement assez âgé.

Quels sont les types de malformations que vous avez habituellement ?

Les malformations mineures (six doigts, six pieds), les hydrocéphalies (beaucoup d’eau dans la tête), les anencéphalies ( la face est présente mais la boite crânienne est résiduelle et il n’y a pas d’encéphale), les anomalies au niveau du ventre que nous appelons « omphalocèle » (une masse lisse et brillante au niveau du fœtus ), les anomalies de membres (par exemple les les pieds bots qui sont pieds déformés et sont hors de l’axe normal, les bras qui manquent et il n’y a que les avant-bras ou des bras très courts…), le nanisme complet avec l’ensemble des segments de membres qui sont très réduits.

Comment prévenir les malformations chez le fœtus ?

Le conseil génétique est le meilleur moyen. Une grossesse doit se préparer et si un des conjoints a une maladie, il est préférable de la traiter d’abord avant de contracter une grossesse. Une pathologie infectieuse peut créer des anomalies chez le fœtus. Le bilan prénuptial permet de détecter s’il y a une infection et de la traiter avant la grossesse.

Une fois enceinte, la femme doit faire précocement l’échographie qui n’a aucun effet sur l’enfant. Trois échographies en moyenne soit une par trimestre est une pratique conseillée mais sachez que l’on peut toujours mieux faire.  Nous sommes conscients des contraintes sociales (pauvreté) mais si le projet de mettre au monde son semblable doit échouer à cause d’une malformation, c’est une situation délicate et difficile à vivre.

En quoi l’échographie est-elle si importante ?

A partir du moment où une femme est enceinte, elle doit faire l’échographie. Dès qu’elle observe un retard, elle doit faire l’échographie à partir de 6 à 8 semaines d’aménorrhée c’est-à-dire d’absence de règles. Cela permet de savoir où est logée la grossesse. Si elle est bien logée, tant mieux. Mais si elle est mal logée (grossesse extra utérine), la vie de la mère est en jeu et des mesures immédiates sont prises pour une intervention.  Déjà l’échographie à 10, 11 jusqu’à 13 semaines permet de voir si les ébauches sont là, la tête, les membres.  Cela permet de prévoir des problèmes qui peuvent survenir. C’est la première étape de la morphologie précoce.

Vers 5-6 mois, entre 20 et 24 semaines d’aménorrhée, il s’agit de faire une échographie morphologique pour étudier la forme de l’enfant. En ce moment, s’il y a une malformation, elle est visible. C’est la bonne période pour déceler les anomalies morphologiques. Les femmes qui ont une corpulence moins forte, dès 20 semaines, on voit clairement.  A chaque période d’échographie, il y a quelque chose que le praticien de l’imagerie recherche et si la période est écoulée, il est moins évident de pouvoir retrouver les aspects particuliers que l’on voudrait voir. Ce qu’on voit à un trimestre donné comme une spécificité, on pourrait ne plus la revoir au trimestre suivant. C’est pourquoi les échographies sont répétées.

Hormis l’échographie, y a-t-il d’autres examens qui permettent de prévenir les malformations fœtales ?

Oui, il faut toujours rappeler que l’échographie demeure le moyen le plus anodin et non invasif pour explorer l’embryon ou le fœtus depuis le ventre de sa mère. On peut le répéter autant de fois que l’on voudra. A côté de cette imagerie médicale, il y a les prélèvements de sang pour dépister les maladies précédemment cités qui peuvent causer des malformations.  Au niveau national, il y a un bilan minimum qui est conseillé chez toutes les femmes enceintes dès que le plateau technique de la localité le permet. Le groupe sanguin et le facteur rhésus, l’électrophorèse de l’hémoglobine, le test de la syphilis, le test de l’hépatite B, la glycémie pour le diabète sont quelques exemples.  Au Burkina Faso, toutes les femmes enceintes sans exception doivent bénéficier gratuitement du dépistage du VIH/SIDA quel que soit la localité. Il faut ajouter que la gratuité des soins avec le programme présidentiel a encore amélioré l’accès à ces bilans.

 

Est-ce qu’il y a des médicaments qu’on prescrit spécialement à la femme enceinte pour éviter les malformations ?

Oui. Le médicament le plus emblématique demeure l’acide folique que nous administrons aux femmes depuis leur projet de conception jusqu’à l’accouchement. Ce médicament a une importance capitale au 1er trimestre de la grossesse. Le fer est également utilisé durant toute la grossesse. Tous les autres médicaments utilisés pour soigner une maladie potentielle peuvent être considérés comme des moyens de prévention secondaire. L’ensemble des médicaments et des oligo-éléments que l’on donne aux femmes enceintes aident à prévenir beaucoup d’anomalie. Une certaine hygiène de vie est conseillée durant le suivi prénatal.

Quelle conduite tenez-vous lorsque vous découvrez une malformation du fœtus ?

La première des choses est d’informer les parents. La question qui revient couramment : est-elle compatible avec la vie ? C’est en ce moment qu’intervient le stress surtout pour la maman. Habituellement, la mère n’a aucun problème.  C’est l’enfant qui est l’enjeu. Mais il y a certaines situations où la vie de la mère est effectivement en danger, c’est le cas de l’hydrops foetal (le fœtus est infiltré dans l’eau, il s’agit d’un œdème généralisé avec une prédominance au niveau de l’abdomen).

 L’avortement n’est permis qu’au cas où la malformation est incompatible avec la vie. On parle dans ce cas d’avortement thérapeutique ou interruption thérapeutique de la grossesse. Elle est autorisée mais il faut que la pathologie soit confirmée par deux médecins. Si la vie de la mère est en danger, même sans malformation fœtale, on pratique l’interruption thérapeutique (cas de pré éclampsie sévère, le HELLP syndrome qui sont des complications de l’hypertension artérielle au cours de la grossesse).

La vie de l’enfant n’est pas en jeu, mais la mère ne veut pas d’un enfant malformé, peut-elle avorter ?

C’est son droit mais, sous des conditions bien précises selon notre législation. L’avortement peut se faire sur consentement du couple. (Un enfant sans membre par exemple) ; ce sont des décisions difficiles à prendre mais quand les couples vivent cette situation, il faut savoir les accompagner dignement et dans la légalité.

Certaines anomalies peuvent-elles être corrigées ?

Il y a des malformations que la chirurgie pédiatrique peut corriger (enfant sans peau où les os sont visibles, les anomalies mineures aux doigts, pieds, l’imperforation anale). Par contre, les anomalies sévères comme les hydrocéphalies majeures (tête remplie d’eau, pas d’encéphale) sont irréversibles. Même si on continue de suivre cette grossesse, la tête de l’enfant va continuer de grossir, la mère ne pourra pas accoucher par voie basse (césarienne), à moins de poser un acte un peu « barbare » pendant l’accouchement en perçant sa tête pour faire sortir l’eau (c’est ce que nous appelons la craniotomie).

On ne peut pas corriger les malformations pendant l’échographie en tant que telle. Pour toute malformation, on appréciera sa valeur fonctionnelle et sa compatibilité avec la vie.  Si la poursuite de la grossesse est décidée, c’est à la naissance que tout sera décidé. La correction de beaucoup de malformations se fera avec la chirurgie ou l’orthopédie pour certaines malformations telles que les omphalocèles, les pieds bots, les laparoschisis…

 C’est sur les causes secondaires qu’on peut statuer (infections bactériennes, parasitaires, toxiques).

Quels sont les risques que courent ces enfants malformés ?

Une malformation dont la valeur fonctionnelle est un grand handicap peut engendrer une intégration difficile de l’enfant dans la société. Même s’il est accepté par ses géniteurs car ces derniers n’ayant pas le choix, ce qui n’est pas toujours le cas car certains optent de les abandonner, ce n’est pas sûr que son entourage va le tolérer. Il peut finir comme un mendiant dans la rue.

Que faire lorsqu’on a un enfant malformé ?

C’est de rendre rapidement dans un centre de santé pour être orienté vers un pédiatre, qui va donner des conseils aux parents. L’enfant n’est qu’un innocent et nous avons l’obligation morale de nous en occuper.

                                                                                                                      Assétou Maïga

 

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