Joviale et disciplinée, Diane Esther Ouédraogo est étudiante en finances-comptabilité. Vivant avec un handicap moteur, la vie n’a pas toujours été facile pour elle. Avec le soutien de sa famille, Diane Esther se bat au quotidien espérant que la vie lui sourira, davantage et qu’elle pourra, un jour, se faire une place au soleil.
Soigneusement coiffée, légèrement maquillée, c’est dans une robe noire que Esther Ouédraogo nous accueille et nous salue. La main gauche supportant la main droite. « Bienvenue chez nous, à Karpala ! La famille vous souhaite, bonne arrivée ! », nous lance-t-elle.
Magnifique dans sa tenue, assise dans un fauteuil roulant, pieds nus, elle nous lance un beau sourire qui laisse voir, ses dents blanches.
De ce que l’on sait, Esther signifie littéralement « Étoile » en persan. En hébreu, le prénom est également lié à ‘Hadhassah’, désignant un arbuste, symbole de l’espoir et de la paix. À travers l’histoire, porter le prénom Esther a souvent signifié incarner une force intérieure et une influence bienveillante.
Dans cette veine, la description de Esther laisse entrevoir, une belle âme. Ce mélange habile de douceur et de beauté lui confère une identité singulière. Une identité qui séduit, bien au-delà, du simple regard.
Une enfance bouleversée par la maladie
Affectueusement appelée Didi, Esther est issue d’une famille modeste. Elle est venue au monde, le 19 mai 1992. Sa naissance a été accueillie avec joie et émotions dans la famille. Un bébé ravissant vient illuminer et animer la vie du jeune couple, Yacouba Ouédraogo et son épouse Eugénie Ilboudo, mariés, il y a un an. La famille réside à Karpala, dans la ville de Ouagadougou.

Chaque jour, les cris, les pleurs et les rires de Esther ambiançaient la maison. Tout allait bien jusqu’au neuvième mois où les parents se rendent compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez leur petite fille, bien-aimée. En effet, ils ont remarqué qu’elle ne bouge plus comme avant. Non seulement, elle est devenue pâle. Mais aussi, elle est moins dynamique. Qu’est-ce qui se passe, se demandent-ils ? Après une consultation à l’hôpital, ils apprennent que Esther est atteinte de poliomyélite. Sa nouvelle apparence physique est la conséquence de cette maladie. Véritable choc, la pilule est amère à avaler pour papa et maman.
« Je suis handicapée moteur depuis mes 9 mois. Comme j’étais petite, je n’ai pas senti. Ce sont plutôt, mes parents qui ont senti l’impact. C’est quand j’ai eu le BEPC et que je devais commencer le BEP, que j’ai senti, que je n’étais normale comme les autres. C’est à partir de ce moment, que j’ai compris qu’il fallait s’adapter », déclare-t-elle sur un ton mêlé de nostalgie et d’amertume.
Pendant des mois et des mois, d’année en année, son état ne s’améliore pas, malgré des soins intenses. Au finish, ils se sont résolus à accepter cette dure réalité et à l’accompagner.
Une éducation scolaire tumultueuse
Soucieux d’un avenir meilleur pour leur enfant, Yacouba Ouédraogo l’inscrit à l’école. Esther s’est révélée, une élève brillante. Cependant, l’une des difficultés majeures tout au long de sa vie reste sa mobilité réduite. Marquée par cette souffrance, Esther en parle, les larmes aux yeux.
Angoissée à l’idée de ne pas pouvoir réaliser ses rêves, Esther ne peut s’empêcher d’être triste. Elle a, par moment, besoin d’être stimulée de façon positive.
Esther traverse le temps en portant en elle, l’image de la lumière qui guide les pas de ses 4 sœurs. Ces dernières voient en elle, une force morale, un modèle d’intelligence féminine. Une femme responsable, bienveillante, qui conseille et oriente les autres.
Une jeune fille à la forte personnalité
Elle a soutenu sur le thème « Procédure de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée dans une société d’état : cas du BUMIGEB ». BUMIGEB est le Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina.
Tissa Hanro, gestionnaire des opérations a été son maître de stage. Il soutient que Esther est une jeune fille joviale qui a le contact facile, très respectueuse et ouverte. Elle est comme tous les autres stagiaires. Mais, elle prend surtout, au sérieux, ce qu’on lui montre afin de s’améliorer dans l’apprentissage. Elle n’est pas mal à l’aise et reste concentrée pour apprendre.

Abondant dans le même sens, Maïmouna Nsoki Ouédraogo estime que Esther est une personne qui se bat. Elle a du potentiel et des projets.
« Pour peu qu’on lui tende la main, elle fera beaucoup pour ses sœurs et ses parents. Elle inspirera beaucoup de jeunes filles dans la même situation qu’elle. Elle allie beauté, courage et douceur… Son visage me fait penser à Yemi Alade », révèle sa tante, bien-aimée.

Une voix qui amplifie la cause des personnes en situation de handicap
Face aux obstacles sociaux tels que la stigmatisation, le regard d’autrui, les difficultés de la vie, Esther Ouédraogo ne lâche rien de son courage, de sa détermination et de sa joie de vivre car elle a une famille unie, aimante, solidaire et soudée.
« De 2021-2025, j’ai toujours été candidate aux concours directs réservés aux personnes handicapées. Mais, le constat est le même. L’accessibilité des bâtiments est un véritable casse-tête. Pas de rampe d’accès et il y a des piliers qu’il faut enjamber pour pouvoir rentrer dans les salles d’informatique. Pour des personnes en fauteuil roulant, en béquilles avec des attelles ou même ceux qui n’ont pas de matériels adaptés, c’est vraiment compliqué d’y accéder. Ceci est un cri de cœur pour moi et pour tous ceux qui sont dans cette situation », martèle-t-elle sur sa page facebook, ce 26 août 2025.
Et de poursuivre « Plusieurs fois, j’ai dû abandonner des stages qui pouvaient peut-être, m’ouvrir les portes du travail parce que ces entreprises n’étaient pas du tout, accessibles. Je reconnais que des efforts sont fournis pour corriger cela. Mais, il y a encore du chemin à parcourir ».

Pour Diane Esther Ouédraogo, on ne peut pas parler d’inclusion sans qu’on ne pose le problème d’accessibilité. La vie d’une personne en situation de handicap est un défi au quotidien. C’est une charge mentale qu’elle ne souhaite à personne. A l’en croire, s’il faut faire face à toutes ces barrières, beaucoup de gens risquent d’abandonner.
Ces paroles, portées par une jeune fille traduisent une douleur cachée et l’engagement d’une voix féminine, à faire changer les mentalités.
Ce grain d’espoir qu’elle a toujours gardé en elle, n’a pas cessé de germer. Il fleurira car chaque jour, à chaque instant, Esther l’arrose de sourire, de persévérance et de grandes ambitions.
Aujourd’hui, Esther a décidé de sortir de son silence pesant et alourdissant. Elle ne se contente plus de vivre son handicap, elle lance un cri de cœur pour elle-même et toutes ces personnes qui souffrent. En la regardant, elle incarne la sensibilisation et le changement social.

Esther, déterminée et audacieuse
La peur de se lancer des défis n’est pas un problème pour cette jeune fille qui donne toujours le meilleur d’elle-même afin d’atteindre les objectifs qu’elle se fixe.
Aujourd’hui , avec son diplôme, elle multiplie les stages afin de se donner plus de chance. Elle mise également sur les concours de la fonction publique auxquels, elle n’a pas encore été admise.
« Je n’ai pas honte de mener de petites activités pour gagner mon pain et être autonome financièrement pour au moins, assurer les petites dépenses. Donc, je vends des gâteaux, du savon kabakourou… en attendant de décrocher un emploi. Je touche à tout. Comme je n’ai pas les moyens, je prends les articles que je revends en tirant un bénéficie. », dit-elle.
« Impossible de fermer les yeux quand on se pose mille et une questions »
Actuellement, militaire à la retraite, le père de Esther indique qu’avoir deux enfants handicapés n’est pas une mince à faire. Toutefois, il refuse de baisser la garde quant à la mission d’unir et d’aimer ses enfants, au même titre.
« Nous, on prend les enfants au même pied d’égalité. J’ai fait un AVC. Sa maman souffre d’arthrites. Je leur dis de se soutenir comme elles nous soutiennent et dieu fera le reste », insiste-t-il, avec fierté.
Courageux, aimants et surtout, avec un mindset inébranlable, les parents de Esther font le maximum pour voir leurs enfants, épanouis.
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Les réseaux sociaux, un autre monde
Esther affirme être casanière. Mais, grâce à facebook, elle se connecte aux autres. C’est d’ailleurs là-bas aussi, qu’elle s’informe sur les opportunités d’emploi et fait la vente en ligne. Elle a également fait un post où elle dénonce officiellement, le calvaire des personnes handicapées en matière d’accès aux infrastructures.

Nous avons contacté Guy innocents Nana, un internaute que nous avons lu dans les commentaires. Celui-ci plaide aussi pour les personnes vivant avec un handicap. Il dit que personnellement, il ne connaît pas Esther. Il est juste tombé sur sa publication ci-dessus et a loué son courage d’avoir interpellé les autorités sur un problème sérieux. Ce qui fait qu’il ait exprimé son opinion.
« Félicitations pour ton cri de cœur très véridique! Je suis absolument, d’accord avec toi car effectivement, de plus en plus d’efforts sont faits. Mais, l’inclusion à proprement dire, n’est pas au beau fixe. Il y a du travail à faire comme par exemple, corriger les bâtiments qui n’ont pas de rampes d’accès, les toilettes. En tant qu’ingénieur, depuis que j’ai commencé à travailler, que ce soit pour moi-même ou avec des structures, j’ai toujours mis l’accent sur la mise en place des rampes d’accès. Je souscris totalement donc, à ton combat », écrit-il, dans les commentaires.
A l’opposé, dans d’autres posts, Esther reçoit parfois, des pics qui ne la laissent pas indifférente.
« Je demande aux uns et aux autres, d’être indulgents dans leurs commentaires. Derrière l’écran, il y a quelqu’un qui se sent blessé », sollicite-t-elle.
A 34 ans, Diane Esther Ouédraogo trace son chemin en laissant une empreinte unique : celle d’une femme forte, malgré les péripéties de la vie.
« Je n’ai pas de petit ami. Les hommes et moi, c’est comme djaba. Ça m’a fait beaucoup pleurer. Donc, j’ai arrêté », déplore-t-elle. Djaba signifie oignons en français. Une façon pour elle, de traduire sa douleur.
Même si côté sentimental, elle a jeté l’éponge, l’espoir des jours heureux, demeure.

L’histoire de Esther nous rappelle que l’adversité fait partie de la vie. Mais, chacun choisit comment l’affronter en se faisant le moindre mal.
« Il m’arrive de me dire que si, j’étais différente, peut-être que la vie allait être moins, compliquée. Si, je suis en bonne santé et que ma famille est en bonne santé, c’est une grâce. On ne peut pas tout avoir dans la vie. Je ne prends que le meilleur », se console mademoiselle Ouédraogo.
Françoise Tougry
Abdoulaye Ouédraogo
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