Un an après l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche et la marche des femmes à Washington, puis partout dans le monde dès le lendemain, où en est-on des droits des femmes ?
« C’est comme essayer d’expliquer aux gens qu’ils doivent réparer leur toit alors qu’à côté, toutes les maisons brûlent… Depuis six mois, Trump n’arrête pas d’allumer des feux », alerte Monifa Bandele, de l’association Moms Rising (« Les mères se lèvent »). Près d’un an après l’investiture de Donald Trump et la Marche des femmes à Washington qui l’a précédée, les militantes féministes aux Etats-Unis sont à la croisée des chemins.
Impossible de compter le nombre d’attaques lancées contre les droits des femmes
« Il est impossible de compter le nombre d’attaques lancées contre les droits des femmes, explique Sarah Lipton-Lubet, du Partenariat national pour les femmes et les familles. Regardez qui est nommé aux postes clés de la santé ou de la planification des naissances : uniquement des anti-avortements notoires. » C’est d’ailleurs l’arrêt des subventions au Planning familial qui a constitué le premier coup violent. Surtout que l’élection présidentielle a donné des ailes aux politiques surfant sur la vague anti-IVG : dans vingt-deux Etats, on a vu éclore des lois ou des projets de lois interdisant l’avortement au-delà de cinq semaines de grossesse, obligeant la femme à regarder une échographie du fœtus avant l’IVG, empêchant l’avortement thérapeutique ou proposant qu’il soit considéré comme un homicide volontaire.
Pas sûr que toutes ces législations archaïques passent, mais « quand on habite à 1 500 km du premier centre médical et qu’on n’a pas les moyens de se payer le voyage, le droit à l’avortement ce ne sont que des mots », ajoute Latanya Mapp Frett, du Planning familial. Puis il y a eu les menaces sur la couverture médicale pour tous : la réforme proposait d’autoriser les assureurs à ne plus rembourser la pilule. Elle leur permettait aussi de refuser l’inscription d’une femme enceinte, d’une femme ayant subi une césarienne ou, pire, enduré des violences domestiques ou sexuelles. Pendant cinq mois, la mobilisation a été sans précédent : des millions de coups de fil aux élus et des pétitions ont ainsi permis de repousser le projet, mais l’inquiétude reste considérable.
Finies les mesures de l’ancien président Barack Obama pour la protection des victimes de viol dans les universités, ou celles pour l’égalité salariale. La fille de son successseur, Ivanka Trump – qui pendant la campagne électorale prétendait défendre les femmes –, est bien silencieuse. Même sur l’égalité des salaires, dont elle avait fait un cheval de bataille pendant la campagne. « De toute façon, l’égalité salariale c’est surtout un problème pour les classes aisées, tempête Monifa Bandele. Pour des millions de femmes, le problème principal est de pouvoir continuer à travailler en ayant un enfant. Parce qu’avec l’école gratuite uniquement à partir de 5 ans et sans congés maternité, la première cause de pauvreté pour une Américaine, c’est de tomber enceinte. »
Certaines doivent reprendre le travail deux jours après avoir accouché
La santé représentant déjà un luxe ici, les femmes précaires, celles de l’Amérique oubliée de la croissance – et qui, paradoxalement, a élu le nouveau Président –, sont les premières victimes : « Certaines doivent reprendre le travail deux jours après avoir accouché… Vous savez quel est l’Etat du monde développé où il y a le plus de mortalité maternelle ? poursuit Monifa. Le Texas. Autant qu’au Sri Lanka ! » Seul point positif : la mobilisation, record. « Il y a dix ans, trois millions de personnes nous soutenaient. Aujourd’hui, elles sont plus de dix millions », se réjouit-on au Planning familial.
Plus question de cibler la Maison-Blanche, une cause perdue. La pression est mise sur les élus de chaque État, qui doivent porter la responsabilité de cette politique sexiste. Dans un an, le Congrès sera renouvelé de moitié. La seule chance, en cas de victoire des démocrates, pour que ces textes soient abrogés.
Les droits des américaines en 2017 :
20 janvier : Investiture de Donald Trump, président des États-Unis.
21 janvier : Plus de cinq millions de manifestants lors de la Marche des femmes à Washington.
23 janvier : Trump annonce une coupe budgétaire de 8 milliards de dollars dans l’aide internationale à la santé, principalement ciblée sur l’aide à la contraception.
13 avril : Trump signe une loi supprimant toute aide au Planning familial.
28 avril : Trump nomme Charmaine Yoest, anti-IVG notoire, «assistant secretary» à la Santé, un poste clé.
31 août : Trump met fin à une loi, promulguée sous la présidence de Barack Obama, promouvant l’égalité salariale.
7 septembre : Retrait de la mesure protégeant les étudiantes victimes de viol sur les campus.