Je m’appelle Innocente Ouédraogo. Mais innocente, je ne l’étais point. 2017 s’achève et je vais entamer ma troisième année de galère, de vie ratée, de vie de merde et de sentence divine après tout.Voici comment j’en suis arrivée là.
Diplômée en secrétariat bureautique, je suis recrutée comme secrétaire dans une entreprise de la place en janvier 2012. Belle, jeune, raffinée et séductrice que je suis, mon charme attirait plus d’un, y compris mon chef Paul. A vrai dire, j’aimais beaucoup l’argent et c’est pourquoi je souffre aujourd’hui à 36 ans. La vie me plaisait à l’époque et m’acquérir tout le luxe possible était mon objectif. « Je veux bien vivre’’, c’était mon slogan et je le disais haut et fort. Ma beauté et ma forme « coca-cola » étaient un grand atout. Bien qu’étant un homme marié et connaissant bien son épouse qui venait fréquemment au bureau, cela ne va guère m’empêcher de séduire mon chef. Un beau gars, très cool envers les femmes avec un style vestimentaire très soigné, il me fascinait énormément. Très riche, il avait même des entreprises en dehors du pays. Il était tout ce que je désirais comme mari. Mais voilà qu’il avait déjà scellé une alliance. Sa femme Raïssa était aussi mignonne et belle en toute objectivité. Elle était très classe, comme on le dit, et bien respectueuse. Lorsqu’elle faisait un tour au bureau, elle me taquinait et me faisait de petits cadeaux. Mais au fond, je la jalousais et je me disais pourquoi je ne pouvais pas aussi être heureuse comme elle, avec un mari si attentionné ! C’est ainsi que j’ai décidé de conquérir mon patron Paul en début 2013 et tous les moyens étaient bons pour y arriver.
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Quand je me rappelle aujourd’hui tout ce que j’ai pu faire pour atteindre mon objectif, je donne raison à l’adage qui dit que ‘’tout ce que femme veut, Dieu veut’’. J’ai commencé à m’habiller de plus en plus sexy, à me faire de plus en plus gentille, disponible. Du côté de sa femme, je me suis rapprochée d’elle et j’ai tout fait pour sympathiser avec elle et nous voici devenues de grandes amies. J’étais au parfum de tout ce qui se passait entre les deux et quand ils se disputaient, je jouais la consolatrice pour Raïssa et à la secrétaire attentionnée pour Paul en marquant tout doucement des points. Après six mois de tentative de séduction ‘’naturelle’’, monsieur résistait tant bien que mal à mes larges provocations car il disait être l’un de ces maris fidèles. J’ai alors décidé de passer à la vitesse supérieure.
Une de mes amies m’accompagna chez un grand féticheur. Celui-ci m’a rassurée que mes vœux seront exaucés en me remettant une potion qui doit être mise dans un repas pour que Paul mange. Le féticheur me précise néanmoins, que tôt ou tard, tout se saura avant d’empocher sa grosse somme d’argent. Ces propos m’importaient peu, pourvu que j’arrive à mes fins, me suis-je dit en son temps. Ce jour-là, mon chef revenait bien fatigué d’une réunion aux environs de 13h. Bien qu’il ait voulu rentrer chez lui comme d’habitude, j’ai réussi à le convaincre de se reposer au bureau avec toutes les manières possibles. Je me rappelle que j’ai commandé un repas dans lequel j’ai versé la potion qui se distilla rapidement avant de le lui apporter dans son bureau. Nous nous sommes bien régalés et j’étais fière de moi. J’attendais impatiemment l’effet du produit. Dès les jours suivants, mon chef Paul était fou amoureux de moi et voici le début de notre grande idylle. De ses biens, j’en ai profité largement : argent, voiture, maison, voyages, etc. Il s’éloignait de plus en plus de sa femme, la méprisait de jour en jour et n’avait d’yeux que pour moi. Je ne me souciais pas mal de ce que pouvait ressentir Raïssa. Elle a tenté de me raisonner en vain et a fini par quitter la cour conjugale avec son fils de trois ans et je me suis confortablement installée. Maîtrisant à présent mon homme par le wack, tout était en ma possession sauf la possibilité d’avoir un enfant. Aucune médecine moderne n’avait une solution à mon problème. Et Paul ne faisait que me réclamer un enfant. J’ai alors décidé de repartir voir mon marabout mais il avait déjà quitté la ville. Une connaissance m’envoya chez un autre marabout qui me parla sans détour en disant que j’étais responsable de mon propre malheur car j’ai détruit et meurtri des cœurs pour acquérir tout ce que je possède et que c’était Dieu qui me punissait de la sorte.
La seule alternative pour avoir un enfant, selon l’oracle, c’est de quitter Paul avant qu’une paralysie ne me prenne et le plus tôt serait le mieux car tôt ou tard l’homme va me quitter. Perdre tout ce luxe et repartir à la case départ est honteux, inadmissible et inconcevable pour moi. J’ai alors décidé de rester malgré tout mais, tout alla si vite. Le 10 décembre 2015, date inoubliable de ma vie ! En faisant du footing, un véhicule me prend par derrière et je perds l’usage de mes deux jambes. Me supportant difficilement, Paul s’enfuit de la maison en me laissant toute seule. J’ai été obligée de regagner la cour paternelle où j’y suis présentement et je subis toutes sortes d’injures.
De source sûre, j’ai appris que Paul a demandé pardon à Raissa et ils sont ensemble à nouveau. Aujourd’hui, je regrette tout cela. J’aurai pu réussir autrement ma vie et être heureuse si je ne m’étais pas laissée emporter par la cupidité et cette jalousie maladive. J’ai voulu détruire consciemment des gens qui s’aimaient et je paie aujourd’hui un lourd tribut. Malgré la beauté de mon visage, aucun homme ne me regarde et personne ne veut vivre avec une handicapée.
Aujourd’hui, tant que je peux, j’essaie de raisonner mes jeunes sœurs du quartier à ne pas faire comme moi. Laissez les hommes mariés en paix ; il y a plein de gentlemen qui peuvent vous rendre heureuses et avec qui vous pouvez bâtir une belle vie à deux ; tel est le conseil que je leur donne chaque fois. Pour ma part, je me console dans la prière en espérant un jour reprendre l’usage de mes jambes.
Innocente Ouédraogo