Après avoir parcouru presque toutes les méthodes contraceptives, certaines femmes en arrivent à la solution extrême et irréversible : la ligature des trompes. C’est en toute âme et conscience qu’elles décident de ne plus jamais concevoir. Cherté de la vie, difficultés de prise en charge des enfants, des tonnes de pilules avalées et des doses de médicaments injectées, etc. Fatiguées, elles disent adieu à la maternité.
20 novembre 2017. Clinique Marie Stopes International, sise à la Patte d’Oie. Il est presque 10h du matin. A l’accueil, une vingtaine de femmes sont venues en consultation. Parmi elles, six sont là exceptionnellement pour faire la ligature des trompes, une méthode contraceptive qui, à la différence des autres, est permanente et irréversible. Qu’est-ce qui peut pousser une femme à en arriver là, à décider en toute lucidité bien qu’elle ne soit pas encore en ménopause de ne plus jamais concevoir ? Si nous sommes étonnée ou surprise d’une telle décision, ces femmes parmi lesquelles figurent même des analphabètes ont, elles, décidé de prendre leur destin en main. Deux d’entre elles témoignent.
Fanta Ouédraogo/Diarra, institutrice de profession, a 38 ans mais on lui donnerait moins visiblement. Une belle dame, élégante, très raffinée. Fanta Ouédraogo est présente ce jour à la clinique Marie Stopes international pour la ligature des trompes. « J’ai décidé ne plus avoir d’enfants, c’est pourquoi je suis venue pour faire la ligature des trompes. J’ai 5 enfants dont 2 garçons et 3 filles et c’est suffisant. C’est une décision prise avec mon époux qui m’a même accompagnée la semaine dernière quand j’étais là. J’avais au préalable discuté avec ma voisine qui a eu à faire cette intervention et j’ai trouvé que cette méthode pouvait me convenir ». Malheureusement, son vœu ne sera pas exaucé ce jour-là. Avec une hypertension artérielle élevée, la patiente est mise au repos. Mais cette tension demeure inchangée. Stress ou fatigue ? Son rendez-vous a alors été repoussé d’un mois, le temps de régulariser sa tension. Un peu triste de ce report, dame Ouédraogo n’envisage nullement renoncer à son choix. Selon ses confidences, après avoir fait le tour des méthodes contraceptives à l’image de la pilule, de l’injectable, du DIU pour espacer les naissances, aujourd’hui, elle ne veut plus jamais porter une grossesse.
A la différence de l’institutrice Fanta Ouédraogo, Assita Belem n’a jamais mis les pieds à l’école. Commerçante de 36 ans, bien éveillée et soucieuse de sa santé et de l’éducation de ses enfants, elle décide de prendre à bras-le-corps son destin. « J’ai 5 enfants, 3 garçons et 2 filles. Je suis seule à m’occuper d’eux, à payer leur scolarité, à les nourrir, à les vêtir, les soigner et monsieur veut que je continue d’accoucher. Je n’en peux plus. C’est très difficile de s’occuper seule des enfants. C’est pourquoi, je suis venue pour faire la ligature des trompes », relate-t-elle avec un air sûr de son choix. Tout comme Fanta, Assita a également fait presque le tour des méthodes pour espacer les naissances avant d’en arriver à cette solution irréversible et extrême. Son rendez-vous a aussi été reporté pour un mois à cause de la tension élevée.
Bien que la décision finale revienne aux femmes, elles sont avant tout reçues en counseling pour être bien informées sur la méthode contraceptive. « En ce qui concerne la ligature des trompes, nous faisons une présentation complète de la méthode, comment cela doit-il se passer et les effets qu’il peut y avoir sur la femme et sur sa vie. Partant du fait que ce sont des femmes qui ont eu le nombre d’enfants voulu ou des femmes qui ne supportent pas les autres méthodes contraceptives, on leur donne le rendez-vous pour la date indiquée pour l’intervention », explique Rasmata Zongo/Kaboré, chargée de marketing social à Marie Stopes international.
Selon les explications de Docteur Véronique Maré, prestataire en ligature des trompes, leader en planification familiale à Marie Stopes international, la ligature des trompes est une méthode de contraception permanente et l’efficacité est à 99%. Il s’agit de barrer la route aux spermatozoïdes de telle sorte qu’ils ne puissent plus rencontrer les ovocytes de la femme, donc pas de fécondation. La ligature se fait sous anesthésie locale. « Nous communiquons avec la femme pendant qu’on la réalise. C’est par une petite incision, tout au plus 3 à 5cm que nous faisons pour avoir accès aux trompes », explique-t-elle.
A en croire Dr Maré, une fois ligaturée, un petit pansement est fait au niveau de cet orifice et des conseils sont donnés à la femme pour pouvoir garder le pansement sec et propre. Au bout de sept jours, elle revient au centre de santé, et si le pansement est bien entretenu, il n’y a même plus de trace et plus de suivi après cela. C’est une procédure qui dure tout au plus 30 minutes. Mais la femme continue à avoir ses règles normalement. « Elle est protégée immédiatement après la procédure, il n’y a pas de délai pour que la méthode soit efficace, il n’y a pas un délai à lui donner pour qu’elle ait des rapports sexuels. Mais avant la ligature, il faut s’assurer que la femme n’est pas déjà enceinte parce que si elle est enceinte, la grossesse va continuer de suivre son cours », a précisé le médecin.
Plus loin, Dr Maré et Idrissa Kaboré un membre de l’équipe de ligature de trompes, mentionnent que les femmes reçues ont généralement plus de 35 ans mais la grande majorité avoisine 40 ans et sont des multipares. En outre, la ligature des trompes est une méthode sans effets secondaires.
De plus en plus, des femmes sont conscientes de leur santé sexuelle et reproductive et comprennent qu’elles ont tout à fait le droit de choisir librement leur méthode contraceptive. C’est une révolution de voir que ces préjugés ont évolué, des idées préconçues qui empêchaient autrefois des femmes de s’épanouir dans la maternité, encore moins d’envisager aujourd’hui une ligature des trompes, une stérilité à vie. C’est un vrai changement de mentalités.
Assétou W. Maïga
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