Comment les journalistes doivent contribuer à la promotion du vivre ensemble au Burkina Faso ? Cette question a été l’objet d’une conférence publique sous le thème « Médias et construction des valeurs de l’Etat nation : défis et perspectives ». Sous l’égide du ministère en charge de la communication, ce thème a été développé, à Ouagadougou ce 7 juin 2019, par trois panélistes et modéré par Béatrice Damiba, journaliste et ancienne présidente du Conseil Supérieur de la Communication.

Tous nantis du grade universitaire de Docteur, l’un des trois conférenciers à se succéder au micro était Pierre Claver Hien, maitre de recherche en Histoire des relations internationales au Centre national de recherche scientifique et technique (CNRST). Il a axé sa communication sur « L’Etat nation en questions : Genèse, péripéties et défis de la cohésion sociale ». Tout en rappelant l’histoire de la Haute Volta, il a affirmé que la construction de l’Etat-nation est intervenue à partir de l’indépendance proclamée le 5 Aout 1960.
Pour lui, l’Etat nation est toujours une réalité au Burkina Faso car notre volonté de vivre ensemble s’étend sur tout le territoire national. Selon lui, cet Etat nation a connu à certains moments de son histoire des dérapages touchant à l’intégrité du territoire et à la division ethnique. Parlant des défis de la cohésion sociale depuis la 4e République, il a mentionné cette quête permanente de la réconciliation nécessaire à la cohésion sociale mais dont le processus est ralenti par les attaques terroristes.
Comme piste de solution à la préservation de l’Etat nation, le Dr Hien préconise que l’Etat soit garant de la cohésion sociale dont la condition sine qua non repose sur la bonne gouvernance. Car comme le dit un adage populaire « les uns mangent, les autres regardent, ainsi naissent les révolutions », conclut-il.
L’absence de démocratie sociale engendre actuellement les frustrations

Le deuxième panéliste n’est autre que le Contrôleur général d’Etat, Luc Marius Ibriga, Président de l’Autorité Supérieure du Contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE/LC). Il a communiqué sur le thème « Quels mécanismes de promotion de la justice par les médias dans la construction de l’Etat-Nation ? ». Avant de répondre à cette question, il a relevé des malaises dont le Burkina est confronté.
Ce sont entre autres la fragilité du socle de l’Etat, le développement d’une culture individualiste et de prédation, l’affaiblissement et la décrédibilisation des canaux classiques de contestation ainsi que l’absence de démocratie sociale qui engendre les frustrations. Pour lui, cette situation représente des enjeux tant au niveau social (la décrédibilisation de la justice, l’effritement de la cohésion sociale et l’affaiblissement de la citoyenneté), économique (l’absence de discipline et d’engagement au travail d’où une faible création de richesses) et politique (l’instabilité politique).
Comme pistes de solution, le Dr Ibriga pense à certaines valeurs dont la culture d’excellence citoyenne, l’appropriation des valeurs de solidarité et du bien commun et l’exaltation du patriotisme. Selon lui, pour répondre à la question soulevée par son thème, il faut un préalable à mobiliser (l’existence de médias professionnels et éthiques), un objectif à poursuivre (le journaliste doit avoir conscience que la justice pour la justice n’est pas son objectif) et trois leviers à actionner (il doit amener le citoyen à connaitre ses droits et devoirs et à savoir que le juge tranche sur la base du principe de la légalité et celui de l’égalité ainsi que créer un espace de débat public apaisé).
Il conclut en citant Martin Luther King qui disait que « Nous devons apprendre à vivre comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ».
L’éthique et la déontologie comme base de la responsabilité du journaliste

Le troisième conférencier est Victor Sanou, juriste, journaliste, et conseiller au Conseil Supérieur de la communication. Il a exposé sur « le rôle et la responsabilité de la presse dans la promotion de la réconciliation et de la cohésion sociale ». Pour lui, les fondements de la responsabilité de la presse et du journaliste dans la culture de la paix sont l’éthique et la déontologie ainsi que la promotion de la réconciliation et de la cohésion sociale.
Il termine son propos en énonçant dix commandements sur la base desquels le journaliste professionnel doit réaliser des articles impartiaux et objectifs.

Pour le Ministre de la Communication, Remis Fulgance Dandjinou, le thème de ce panel s’inscrit dans le cadre global de la commémoration du centenaire de la Haute Volta et son choix s’explique par la montée de l’extrémisme violent et les affrontements communautaires qui menacent notre vivre ensemble.
Afin de dénoncer certaines publications sur les réseaux sociaux, le ministre a pris l’exemple de la radio 1000 collines qui s’était illustrée de sa triste façon dans la survenue du génocide rwandais. Il a souhaité qu’au sortir de cette conférence tous les acteurs puissent regarder ensemble dans la même direction et s’accepter les uns les autres dans le cadre de l’Etat de droit.
Davy Yameogo