Dans le souci de donner un nouveau départ à l’État et de renforcer la démocratie, les autorités ont fait germer l’idée de passer à une Ve République. Quelles sont les orientations de cette nouvelle Constitution ? Qu’est-ce qui va changer en ce concerne les préoccupations des femmes ? Réponses dans cette interview avec le Professeur Abdoulaye Soma, constitutionnaliste.
Queen Mafa : Pourquoi est-il nécessaire de passer à une Ve République ?
Pr Abdoulaye Soma : Il n’y a pas de critères juridiques pour le passage d’une république à une autre. La décision est politique et motivée par la volonté de l’autorité politique de donner un nouveau départ à un État, en adoptant une nouvelle Constitution.
Qu’est ce qui va changer pour les femmes dans cette nouvelle constitution ?
Du point de vue du texte constitutionnel en élaboration, il y a une constitutionnalisation des questions de genre. Les droits des femmes ont été pris en compte. On voit apparaître dans le préambule de la Constitution, les questions de genre, la question d’égalité, des droits d’accès à la propriété foncière. Ces dispositions apparaissent pour la première fois dans la Constitution. Elles existaient dans les instruments internationaux que le Burkina à reconnus. Ce qui s’ajoute, c’est la constitutionnalisation de ces droits.
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Pourquoi le principe de parité ne peut-il pas être consacré dans la Constitution ?
On a en débattu et l’on pense que la société n’est pas prête à exercer cette parité. On s’en est tenu au principe de l’égalité entre l’homme et la femme et au principe de discrimination positive. La parité est comprise comme étant l’égalité dans toutes les institutions comme le gouvernement, le Parlement. D’après les sondages, la société ne serait pas prête à accepter ce principe. Il faut maintenir le cap de la formation pour multiplier le nombre de femmes capables d’entrer dans les organes de direction. Donc la question s’est révélée un peu précoce.
« Les associations de femmes ont donc raison de défendre la consécration constitutionnelle de ce principe »
Certaines associations de femmes souhaitent une consécration du principe de l’alternance homme/femme sur les listes électorales. Qu’en pensez-vous ?
Cette question n’a pas spécialement fait l’objet de discussions aux travaux de la commission constitutionnelle. Aucune disposition de la Constitution ne s’y rapporte. C’est dans la loi de 2009 sur le quota genre que la question de la représentativité des femmes sur les listes électorales et dans les corps élus est traitée, un peu mal traitée à mon sens. La loi exige la présence d’au moins un tiers de femmes sur chaque liste de candidats, sans exiger un minimum d’élues femmes, comme dans certains pays. Elle n’impose pas non plus un rang pour les candidates, en sorte que parfois elles sont reléguées aux derniers rangs et ont très peu de chances d’être élues. Enfin, la sanction consiste en une amende pour non-respect du quota des femmes sur les listes électorales. Certaines formations politiques préfèrent s’acquitter de l’amende au lieu de présenter des candidatures féminines. Tout cela pourrait connaître une avancée significative dans le sens de la représentativité effective des femmes dans les corps élus, si le principe de l’alternance sur les listes électorales est adopté. Les associations de femmes ont donc raison de défendre la consécration constitutionnelle de ce principe. Il faudra d’autres mécanismes complémentaires pour que le combat soit gagné.
par Madeleine KIENOU