La médecine physique et de réadaptation est une spécialité peu connue au Burkina Faso. Dr Maïmouna Ouattara est l’une des rares médecins à se spécialiser dans ce domaine. Elle a été formée à l’université d’Abomey de Calavi où elle a bouclé sa formation avec un mémoire sur le thème « Amputés des membres pelviens appareillés à la CUMPR du CNHU de Cotonou de 2010 à 2019 : Quel niveau de satisfaction de la prothèse ? » De retour au pays, Dr Ouattara entend apporter sa contribution à la récupération fonctionnelle et à l’amélioration de la qualité de vie des patients vivant avec un handicap.
Queen Mafa : Dr Ouattara, vous venez de vous spécialiser en Médecine Physique et de Réadaptation. Pouvez-vous nous expliquer simplement ce qu’est cette discipline et pourquoi elle est cruciale, notamment au Burkina Faso ?
Dr Maïmouna Ouattara: La médecine physique et de réadaptation est une spécialité qui s’occupe de la récupération fonctionnelle et également l’amélioration de la qualité de vie des patients. Donc, c’est une spécialité assez transversale qui travaille en collaboration avec toutes les spécialités médicales et chirurgicales en passant par la chirurgie orthopédique, la gynéco, la cardiologie.
En Afrique, elle n’est très bien connue, Donc, nous peinons à nous faire comprendre mais, nous espérons vraiment que les gens nous comprennent au fil du temps, parce qu’on pourrait le dire, tout le monde a besoin de la rééducation.
Lors de mon stage en France, je me suis rendue compte que c’est une spécialité plus féminine. Par contre, ici chez nous en Afrique, elle est beaucoup plus masculine. Au Burkina, nous comptons 3 femmes médecins MPR et les 2 autres ne sont pas présentes dans le pays. Donc, je me retrouve toute seule à être médecin MPR dans notre pays. Le Burkina compte 9 médecins MPR dont 1 Professeur, 1 maître de conférences Agrégé et 7 autres médecins MPR.
Vous dites être la seule femme médecin MPR avec un ton de désolation. Pensez-vous qu’il y ait un enjeu à féminiser davantage la profession au Burkina Faso ?
Oui bien sur! Les femmes peuvent apporter beaucoup dans cette discipline grâce à une sensibilité plus accrue aux besoins des malades. L’écoute, l’empathie et la patience sont souvent des qualités mises en avant chez les femmes, qui permettent de mieux comprendre les difficultés non seulement physiques mais aussi psychologiques des patients. Toute chose qui peut alors renforcer la confiance des patients et améliorer leur engagement dans le processus de réadaptation
En plus être la seule femme, vous êtes l’un des rares médecins à embrasser cette spécialité au Burkina. En quoi, votre spécialité est- elle pertinente pour notre pays ?
C’est une spécialité très pertinente pour notre pays parce qu’elle intervient dans tous les domaines de la médecine. Elle intervient au niveau des patients pour la récupération fonctionnelle, la qualité de vie. Il y a énormément de personnes vivants avec un handicap dans notre pays, et pour leur prise charge adaptée, elles ont besoin de la rééducation ou de la réadaptation, d’où la pertinence de notre spécialité.

Qu’est ce qui a motivé le choix de ce thème ?
Je me suis posée les questions suivantes : Est-ce que ces patients sont satisfaits de leurs prothèses ? Comment est-ce qu’ils se voient vis-à-vis des autres ? Comment est-ce que leur entourage les voit et également est ce qu’ils sont vraiment à l’aise avec leurs prothèses ?
C’est ce qui m’a amenée à faire des recherches dans ce sens et je me suis rendue compte qu’à Cotonou sur place, il y avait déjà eu une seule étude dans ce domaine. Donc, ça m’a poussée à poursuivre cette étude et nous sommes parvenues à des résultats qui ont été assez satisfaisants à mon sens.
Nos résultats ont conclu que les patients étaient majoritairement satisfaits de leurs prothèses.
Votre étude a été menée au Bénin. Quel peut être son apport de pour le Burkina Faso ?
Cette étude peut apporter beaucoup de choses au Burkina en ce sens que les patients amputés sont également appareillés. Donc, nous pouvons transposer ces résultats ici et également nous poser la même question : est-ce que ces appareillages sont adaptés aux patients, vu que sur le terrain, au Burkina, nous n’avons pas suffisamment de service d’appareillage.
La même question peut se poser ici, au Burkina. Cette étude si nous la menons au Burkina, je suis persuadé que nous pouvons avoir des résultats qui pourront également nous édifier.
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Quelle suite donnerez-vous aux résultats de votre étude ?
Les résultats de nos recherches, nous allons les publier dans les revues scientifiques afin que d’autres scientifiques puissent les utiliser pour le bien des patients et les patients pourront également consulter nos recherches afin de pouvoir comprendre certaines choses concernant leur appareillage.
« Le patriotisme nous a appelés à rentrer »
Après cette étude vous avez certainement eu des propositions d’embauche à l’extérieur. Qu’est-ce qui vous a motivée à rentrer au pays ?
Personnellement je voudrais apporter ma pierre à l’évolution de la rééducation et réadaptation au Burkina. Vu que c’est un domaine peu connu, un domaine assez intéressant, je voudrais apporter ma contribution. C’est ce qui m’a motivée à renter. Sinon, comme vous l’avez dit, nous avons eu beaucoup d’opportunités mais, le patriotisme nous a appelés à rentrer.
Y a-t-il une personne qui vous a inspirée à aller vers cette spécialité ?
Avez -vous un message à l’endroit des jeunes femmes médecins ?
J’aimerai encourager mes collègues médecins femmes à s’intéresser, voir embrasser la carrière de médecin rééducateur.
J’aimerais aussi encourager les patients, à aller vers les rééducateurs que ce soit les médecins, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, bref, tout le monde de la rééducation. Que les patients viennent vers nous pour mieux comprendre leur pathologie et pouvoir avoir une meilleure prise en charge !
Entretien réalisé par : Fabrice Sandwidi