L’allaitement maternel au Burkina Faso est une pratique courante et des efforts sont déployés pour renforcer l’allaitement exclusif notamment, pendant les six premiers mois de l’enfant. Malgré une forte prévalence de l’allaitement, l’initiation précoce et l’allaitement exclusif rencontrent des défis. Cet aspect a été mis en lumière, ce mercredi 6 août 2025. Dans le webinaire initié par le Réseau des Médias africains pour la Promotion de la Santé et de l’Environnement (REMAPSEN), Siméon Nanama, Conseiller Régional en nutrition pour l’UNICEF en Afrique de l’Ouest et du Centre, a proposé des stratégies pour relever ces défis.
Dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, les défis liés à l’allaitement maternel sont une réalité.
Le poids de la tradition et des croyances.
C’est ce qu’a expliqué Siméon Nanama. En fait, le nutritionniste a affirmé que donner de l’eau ou des tisanes à un nourrisson est une pratique répandue, sous prétexte qu’il fait chaud. Dans d’autres contrées, quand c’est un nouveau-né, pour lui souhaiter la bienvenue au monde, on lui donne de l’eau ou différentes tisanes.
« Ce sont des pratiques souvent, transmises de génération en génération, qui finissent par ressembler à ce qu’on pourrait appeler des normes sociales, un peu négatives. Le colostrum est parfois, perçu comme un lait sale et au lieu de le donner au bébé, on le jette jusqu’à ce que le lait devienne blanc. C’est à ce moment-là qu’on commence à l’allaiter sans se rendre compte qu’on prive l’enfant de quelque chose d’essentiel pour sa survie et pour son développement », a-t-il déploré.
Toujours selon le nutritionniste, toutes ces pratiques sont animées parfois, de bonnes intentions. Mais, elles exposent le bébé aux infections et perturbent l’allaitement. Il est essentiel de changer les normes sociales avec des messages respectueux et adaptés.
L’influence du marketing des substituts du lait maternel.
« Vous avez probablement expérimenté ou testé ces industries qui ciblent à la fois, les mères, les professionnels de santé, parfois, jusqu’à l’intérieur des maternités et qui font la promotion de lait maternisé, disant que cela est de meilleure qualité que le lait maternel », a-t- indiqué.
D’une part, cela crée des intrusions au niveau des mères et d’autre part, ça ternit la confiance des mères qui ont tendance, à voir le lait maternel comme un lait plus moderne. Il faut aussi revaloriser l’allaitement maternel comme un choix fort et protégé.

Le manque de soutien du système de santé, dans les maternités.
La séparation des bébés et des mères, le manque de mise au sein précoce et l’absence de personnel formé sont des facteurs qui réduisent l’allaitement.
Des gestes aussi simples que de mettre l’enfant au sein immédiatement après la naissance ne requièrent normalement pas de formation particulière. Cependant, dit-il, on a toujours tendance à avoir des berceaux qui séparent le bébé de la mère. Les 10 étapes pour un allaitement maternel réussi ne sont pas systématiquement appliquées, et cela nuit au bon démarrage de l’allaitement.
Le manque de soutien, en dehors du système de santé.
Siméon Nanama a également déclaré que l’allaitement ne doit pas être de la seule responsabilité, de la mère. Les mères vont dans les centres de santé, au maximum, quand le système fonctionne. Quand le système ne fonctionne pas, elles y passent une heure, maximum.
Le reste du temps, elles sont à la maison et quand elles sont à la maison, les mères sont souvent, laissées seules, épuisées. Elles n’ont pas d’accompagnement.
Sans ce soutien, le moindre obstacle peut conduire à l’abandon de l’allaitement. Donc, un soutien communautaire est fondamentale pour accompagner les mères pendant toute la durée de l’allaitement.
Les conditions de travail, défavorables.
Les femmes qui travaillent sont obligées de repartir et de reprendre le travail rapidement après l’accouchement. Elles n’ont pas un congé suffisant pour allaiter et même quand elles allaitent sur leur lieu de travail, le lieu de travail ne prévoit pas des espaces qui leur permettent d’allaiter correctement leur nouveau-né. Siméon Nanama estime qu’il y a, véritablement du travail à faire, à ce niveau.
Le manque de données fiables
A écouter Siméon Nanama, seulement quatre enfants sur dix sont exclusivement allaités. Mais, derrière cette statistique globale, il y a un besoin d’avoir des données plus détaillées sur d’autres indicateurs, en comparant les différents pays. Il insiste sur le fait que les données constituent réellement un défi important.
Il reconnaît que les défis sont nombreux. Mais, pas insurmontables. Pour ce faire, il faut un engagement collectif afin d’accompagner les mères, protéger l’allaitement des influences commerciales, changer les normes sociales avec respect et créer un environnement qui favorise ce geste vital.
L’allaitement maternel n’est pas seulement de la responsabilité des femmes. C’est une responsabilité collective partagée qui concerne les amis, les agents de santé, les médias.
« Aujourd’hui, je suis content d’être en face des médias et des décideurs. Chacun d’entre nous a un rôle à jouer pour promouvoir ce geste vital, l’allaitement », a-t-il conclu.
Françoise Tougry