De 1999 à 2024, Koro DK s’est imposée dans le domaine du stylisme et de la mode. En un quart de siècle, elle a habillé des personnalités du Burkina Faso et d’ailleurs. Elle a également porté haut, les couleurs du pays des hommes intègres. Elle a aussi inspiré beaucoup d’autres personnes, aux yeux de qui, elle est une pionnière dans ce domaine. A cette occasion, la doyenne de la mode revient sur les temps forts de sa carrière.
Koro DK, c’est 25 ans au service de la nation burkinabè. Ce qui fait de vous, une référence incontestée au Burkina Faso dans le stylisme et la mode. Comment avez-vous débuté votre carrière dans la mode ?
25 ans, c’est vrai que ce n’est pas 25 jours. Ce n’est pas 25 mois. C’est 25 ans. Ma carrière a débuté comme la carrière de tout autre être humain. J’ai fait l’école naturellement comme une bonne fille bien éduquée. J’ai fréquenté le lycée Zinda et le lycée Amilcar Cabral qui étaient situés à Dapoya. C’était de la formation professionnelle niveau BEPC, BEP jusqu’au Bac G2. Je me suis limitée au CAP.
Un jour, notre professeur a dit : regardez-moi ces cons derrière la table ! C’est un jeu de mots que je n’ai pas compris. J’ai demandé ce que veut dire un con derrière la table. Il m’a répondu : Mademoiselle, vous êtes des comptables. Cela veut dire que vous calculerez l’argent des autres. Je lui ai dit que je ne veux pas calculer l’argent des autres. Mais, mon propre argent.
Je me suis mariée et je suis allée en Arabie saoudite. Arrivée dans ce pays, on dit que la femme ne travaille pas. Je leur ai fait savoir que dans mon pays, la femme travaille. Ma mère a travaillé pour aider mon papa à payer nos études. J’ai dit à mon mari que je veux travailler. Quand j’étais enfant au village, mon père qui était tailleur avait acheté une machine pour ma mère. C’était une machine à la main. Je me suis demandée pourquoi ne pas faire la couture vu qu’étant enfant, je faisais des caleçons pour vendre ?
Je suis donc, allée au marché et acheté deux machines. Ensuite, avec mon chauffeur, j’ai été chercher un tailleur et un brodeur indiens au marché, à Mbatta. Mais vu, qu’ils payaient les sponsors qui les ont envoyés là-bas, ils rentraient chez eux, les samedis pour donner la part de leur sponsor et c’est ainsi que j’ai commencé dans les années 94.
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A quel moment avez-vous su que vous aviez une place dans ce domaine ?
A un moment donné, il fallait qu’on parte en Côte d’Ivoire qui est un pays proche de chez moi et j’étais contente quand mon mari m’a passé l’information. Arrivée à Abidjan, je me suis dit si ça doit être mon métier, il faut que je fasse venir mes employés indiens avec moi. Je suis allé voir leur patron pour payer afin de les libérer. Ils m’ont alors suivie en Côte d’Ivoire et on a travaillé.
En 1997, je devais repartir à nouveau. Mais, cette fois-ci en France et je me suis dit une fois de plus « Si ça doit être mon boulot, il faut que je parte me former ». C’est comme ça que j’ai dit à mon mari que je ne peux pas ouvrir des catalogues et faire du copier-coller. Si j’ai la fibre du stylisme dans mon sang, il faut que j’apprenne et me perfectionne. Donc, j’ai accepté apprendre à dessiner pendant une année en France de 1997 à 1998. Quand j’ai décidé de me perfectionner, j’ai compris à partir de ce moment que j’étais sur la bonne voie parce que si ça doit être ton métier, il faut approfondir ta connaissance. Mais si ces juste ton passe-temps, c’est tout autre chose.
…. Un défilé pour récolter des fonds afin d’aider les femmes…
Quels sont les moments forts de votre carrière ?
En 2000, j’ai déposé la marque Koro DK style étant toujours en Europe. Le fait d’arriver en Côte d’Ivoire et être toujours sur le tas m’a marquée aussi parce que, pour être dans les défilés de mode, il fallait quelqu’un et mon soutien a été Pathé’0. C’est mon mentor.
Dans les années 95, il m’a dit : Koro tu as une collection ? Je lui ai demandé ce qu’est-ce qu’une collection et il me répond par une autre question : tu as des habits ? J’ai répondu par l’affirmative. Il m’a conseillée de les prendre et qu’ensemble, on ira à Yamoussoukro pour un défilé qui se déroulait là-bas. Voici comment c’est parti et comment, j’ai défilé sur un podium avec des habits. C’était à l’occasion de la Journée internationale de la Femme. En 2006 également, j’ai été au Rwanda deux ans, après le génocide.
J’ai tout de suite été touchée par ce qui est arrivé et je me suis posée la question : comment la population d’un seul pays peut se tuer de la sorte ? Une camarade qui vivait dans ce pays m’a expliqué comment elle a vécu le génocide. J’ai réfléchir à ce que je pouvais faire pour les veuves. J’ai alors, proposé de faire un défilé pour récolter des fonds afin d’aider les femmes. Nous avons pu récolter des fonds de 10 millions de francs rwandais soit neuf millions de Franc CFA.

Quelles sont les personnalités que vous avez habillées et à quelle occasion ?
Toute personne est une personnalité et ça dépend de comment tu te définis. Que ce soit aux Etats unis, en France, en Côte d’ivoire, au Cameroun, au Sénégal, au Mali et chez nous, j’ai habillé l’ex-première dame Chantale Compaoré, des premiers ministres du Burkina, l’actrice Mouna N’Diaye pour le festival de Cannes en tant que membre du jury. Ici, tout récemment, il y a Sissao et Don Sharp de Batoro que j’habille. Mais, je n’aime pas trop citer les noms.
—- Je suis tout simplement satisfaite de mon parcours….
En 25 ans de carrière, peut-on dire que Koro DK a atteint le sommet ?
Non ! Vous savez, tant qu’on vit, on n’atteint jamais un sommet. C’est quand on a plus les pieds sur terre que tout est fini.
Est-ce à dire que vos objectifs ne sont pas atteints ?
Mes objectifs ne sont pas atteints. En fait, tu atteins chaque objectif et tu relances un autre objectif. Je suis tout simplement satisfaite de mon parcours, de 1994 à aujourd’hui.
…. La relève est assurée…
Combien de jeunes avez-vous formés pour la relève ?
J’ai 15 personnes dans mon atelier, 4 femmes et 11 hommes. Je travaille avec plus d’hommes. Pour moi, les hommes et les femmes sont des travailleurs au même titre. Dans mon métier, on a besoin de rigueur dans le travail. J’ai formé 42 femmes qui se sont installées à leur propre compte.
Pensez-vous qu’ils pourront assurer la relève ?
Je crois que, ce que je leur ai donné comme formation va leur permettre d’assurer la relève. Dans tout métier, il faut être rigoureux et savoir ce que tu veux. Les femmes que j’ai formées dans cette vie savent ce qu’elles veulent. Donc, la relève est assurée.
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Quelle appréciation faites-vous du stylisme et de la mode au Burkina Faso ?
J’ai vu de l’évolution et je crois que le stylisme se développe bien au Burkina. Il y a des jeunes créateurs qui émerveillent le public. Aussi, avec le Faso Dan Fani, imposé par Thomas Sankara, même si les gens ne voulaient pas adhérer, ce n’est pas le cas aujourd’hui car chacun doit maintenant avoir un Faso Dan Fani dans son placard. Alors, je dis chapeau au président Sankara qui a été le bâtisseur et celui qui a ouvert la route au Faso Dan Fani, devenu l’une des tenues les plus connues dans la sous-région et même à l’international. Cela contribue au développement de la mode au Burkina Faso.

Ce secteur a-t-il véritablement de l’avenir ?
Le secteur a une très grande potentialité d’avenir au Burkina Faso parce que c’est un secteur très porteur. Avez-vous déjà vu quelqu’un qui n’est pas habillé ? Non. Si tel est le cas, on va le traiter de fou. Tout le monde a besoin d’être habillé que ce soit avec des petits tailleurs ou des grands tailleurs. Alors, je le dis et le répète, la formation des tailleurs est prioritaire.
Si vous deviez changer le cours des évènements dans ce domaine, ce serait quoi ?
Si je dois le faire, c’est revoir l’installation anarchique. Je crois qu’on peut être un couturier et travailler chez quelqu’un. Par contre, on ne peut pas être un bon couturier si on n’as pas de bonnes bases. c’est ça que je changerais. Mais, le changement passera par la formation afin de permettre aux gens de s’installer dans de bonnes conditions, de payer leurs impôts, d’adhérer à la sécurité sociale pour pouvoir assurer leur retraite.
…. Si tu as une vision, même si on te traine dans la boue, tu vas te relever…
Quel est le secret qui a permis à Koro DK de tenir pendant 25 ans ?
Vous savez, il n’y a pas de secret ! Il faut tout simplement aimer tout ce que vous faites. C’est ça, le secret. Quand tu aime ce que tu fais, tu vas bien le faire et tu vas persévérer. Mais, il n’y a pas de secret dans la réussite de quelqu’un. C’est parce qu’il s’est relevé après être tombé. Il est tombé, il s’est relevé. Il est tombé, il s’est relevé. Il ne s’assoit jamais pour dire qu’aujourd’hui, ça ne va pas et qu’il ne va plus rien faire. Quand tu as une vision que tu dois atteindre, même si on te traine dans la boue, tu vas te relever.
Un dernier mot ?
C’est de remercier Queen Mafa, qui est un journal dynamique ! Il faut persévérer. J’appelle la jeunesse à persévérer car vouloir c’est pouvoir.
Entretient réalisé par Abdoulaye Ouédraogo/Queenmafa.net







