Animatrice de groupement, danseuse traditionnelle, formatrice, transformatrice de produits locaux et passionnée d’art culinaire, elle, fait bouger les lignes à Gaoua dans la région du Sud-Ouest devenue Djoro. Zoom sur N’Tiengninè Noufé ! Ouverte et polyvalente, elle apporte sa pierre à l’édification de la localité.
N’Tiengninè Noufé est originaire de Gaoua. Orpheline de père, très tôt, elle a appris, à prendre son envol, à assumer des responsabilités qui n’étaient pas les siennes et à voir passer sous son nez, les bons moments de la jeunesse. Pendant que ses camarades s’amusaient et profitaient pleinement de la vie, N’Tiengninè Noufé quant à elle, pensait déjà, à comment prendre soin de sa famille, comment préparer son propre avenir alors qu’elle n’est qu’une élève. Contre son gré, elle abandonne ses études pour se consacrer au bien-être de sa famille.
« J’avais six ans quand j’ai perdu mon papa et ma mère avait de la peine, à payer mes études. Pour combler ce vide, j’ai évolué dans le théâtre et la danse aussi bien moderne que traditionnelle. Finalement, j’ai intégré l’association en 2010 pour avoir des connaissances et grouiller payer la scolarité de mon frère et mes trois sœurs », se rappelle-t-elle.
En mettant les pieds à l’Association pour la Promotion féminine de Gaoua (APFG), N’Tiengninè Noufé a trouvé un refuge, une famille d’accueil aimable. Créée en 1992, l’APFG milite pour l’épanouissement de la femme, à travers des sensibilisations, des formations, des causeries et microcrédits, la saponification, la transformation des produits locaux. A 24 ans, elle décide alors, d’apprendre avec et auprès des autres membres tout en partageant, les connaissances qu’elle a. L’une des raisons avancées était aussi pour avoir un crédit et commencer une petite activité. Elle fait donc, ses premiers pas d’animatrice de groupements.
En fait, l’APFG est la structure-mère avec des sous-sections. Cela veut dire que dans les secteurs, il y a des petits groupements de femmes qui mènent des activités. Chaque sous-section fait ses réunions, chaque samedi et dimanche. Celle qui veut intégrer l’association passe d’abord, par les petites sous-sections, à condition de savoir faire quelque chose de ses 10 doigts.
C’est ainsi qu’étant devenue membre, N’Tiengninè Noufé s’est lancée dans les activités génératrices de revenus.
« Quand tu es là-bas et que tu as de bonnes idées, tu peux avoir accès aux crédits. Dès que tu viens, tu montes ton dossier de prêt et tu commences avec les petits fonds. D’abord, 25 mille francs CFA. Puis, au fur et à mesure, si tu paies bien, le montant augmente. Comme j’étais déjà animatrice, je n’ai pas eu de la peine à avoir le crédit », indique-t-elle.
Cela fait 15 ans que N’Tiengninè Noufé a déposé sa valise à l’APFG. A l’en croire, l’association a changé énormément, sa vie. Selon elle, le crédit dont elle a bénéficié, a permis de construire une nouvelle maison qui a servi, à héberger sa mère, son frère et ses sœurs. Elle a également, pu payer la scolarité de ces derniers.
« J’ai initié moi-même, la bière à base de riz «
Petit-à-petit, elle a diversifié son travail : transformation de produits locaux tels que le soumbala, le lait de soja, le couscous du soja, la moutarde à base de soumbala, les cubes à base de soumbala, la bière locale à base de riz.
« J’ai initié moi-même, la bière à base de riz au moment des ruptures de mil, sorgho rouge et sorgho blanc. Aussi, dans notre région, il y a trop de riz et j’ai essayé de voir comment valoriser cette céréale. Je suis très contente parce que ça a donné. Actuellement, j’en produis régulièrement », confie-t-elle.
Elle ajoute que côtoyer toutes ces personnes de l’APFG, lui a permis de parler le français, elle qui n’est pas allée loin dans les études. Elle sait faire des enregistrements au guichet, un autre avantage.
« Évoluer au sein de l’APFG m’a éveillée. De 2010 à ce jour, l’association m’a ouvert beaucoup de portes et donné beaucoup d’opportunités. Aujourd’hui, je participe à l’atelier de formation des formateurs et formatrices sur le plaidoyer et les approches féministes, organisé par Diakonia Sahel grâce à l’association », poursuit-elle. Ledit atelier s’est déroulé à Loumbila, du 20 au 26 septembre 2025.
L’APFG est ouverte, à toutes les femmes. Le plus important, c’est de venir partager son expérience avec les autres et être sincère dans la collaboration.
Un sentiment de fierté
Dans nos échanges, N’Tiengninè Noufé dit être fière d’avoir atteint ce stade. Dans les sous-sections, elle encadre 87 femmes chaque samedi. En plus, l’animatrice intervient dans 15 villages en formant hommes, femmes, enfants, jeunes et vieillards sur les problèmes qu’ils vivent dans leurs localités. Lorsque ça dépasse ses compétences, elle reverse ces préoccupations au niveau de l’APFG qui prend le relai.
Il convient de souligner que pour les examens du BAC Pro, N’Tiengninè Noufé est membre du jury depuis 2024. A chaque examen, elle fait un taux de réussite de 100 % avec les candidates qu’elle présente.
« C’est une fierté d’avoir encadré ces filles et de corriger leur fiche de composition », déclare-t-elle.
On note aussi que grâce à son accompagnement dans les formations, une dame a pu avoir un crédit de sept millions payables en deux ans et celle-ci rembourse correctement. Elle est régulière et dynamique dans ses activités.
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Le ministère en charge de la culture et des arts, interpellé
A l’écouter, dans tout son parcours, ses débuts n’ont pas été faciles. Mais, avec le temps, elle a su s’adapter. Maintenant, en termes de projets, N’Tiengninè Noufé danseuse traditionnelle aimerait mettre en place, un centre de formation professionnelle en danse lobiri, dagara, birifor et en transformation des produits locaux. Une boutique pour exposer sa production sera la bienvenue.
Candidate à la Semaine nationale de la Culture (SNC 2024), N’Tiengninè Noufé revient sur sa participation. Elle a présenté du jus local un cocktail de souchet au soja aromatisé de noix de coco et de sel. Au classement, elle a été 9e.
Malheureusement, à ce niveau, dit-elle, on récompense seulement la première place. Au lieu de donner un gros montant à une seule personne, n’est-il pas possible de récompenser jusqu’au cinq premiers avec cette somme, une manière de les accompagner aussi ?
« L’année passée, j’ai mis toutes mes forces, toute mon énergie et tout mon espoir dans cette compétition et je n’ai rien eu. Rien, rien, rien ! A la fin, j’étais déçue. Il n’y a pas eu de motivations. Voyez, vous-mêmes ! Tu quittes ta région pour aller séjourner à Bobo. Tout ton séjour est entièrement, à ta charge et à la fin, on prend 500 mille ou un million et on donne à une seule personne. Si le ministère pouvait revoir cet aspect, ça allait changer beaucoup de choses », recommande-t-elle.

Ce point n’est pas le seul souci de N’Tiengninè Noufé. « Pour la présentation des mets, on a dit qu’il n’y a pas de l’alcool, dedans. Par exemple, la bière locale à base de riz, je pouvais faire ça. Mais, c’est dommage. Je pense qu’il y a des choses, à revoir dans le règlement. Pour l’édition à venir, c’est le directeur provincial qui m’a encouragée à participer. Sinon, j’étais vraiment, découragée », martèle-t-elle.

Mais, déterminée à relever les défis, N’Tiengninè Noufé a suivi les conseils de cette personnalité. Ainsi, elle a pris part, le vendredi 17 octobre dernier à la compétition de la Semaine régionale de la Culture, dans le domaine de l’art culinaire. Son courage a payé car elle a décroché la première place et est sélectionnée à poursuivre l’aventure pour la Semaine nationale de la Culture 2026, à Bobo-Dioulasso.

Pour cette dame, il y a des raisons d’être contente. » Ce premier prix est un honneur pour moi et pour toute la région de Djoro », se félicite-t-elle.
Françoise Tougry
www.queenmafa.net