Si savoir cuisiner est important, connaître les éléments constitutifs de la restauration l’est davantage surtout, que c’est un processus très exigeant. Et, ce ne sont pas les acteurs de l’art culinaire qui diront le contraire. Ainsi, à l’occasion de la journée de la gastronomie célébrée, ce 18 juin, nous avons rencontré Maître Benjamin Lucien Kiswendsida Compaoré, technicien supérieur en gestion hôtelière, Maître restaurateur, par ailleurs, promoteur de Benexpert-Académie de la Gastronomie Sainte Hélène. Il nous parle de son parcours et des enjeux du domaine.
Vous êtes le commissaire général du Carrefour international de la Gastronomie du Faso (CIGAF). Qu’est-ce que la gastronomie ?
La gastronomie regroupe toutes les connaissances relatives à la cuisine, à l’organisation des repas, ainsi qu’à l’art de savourer et d’évaluer les plats.
En résumé, c’est la discipline qui s’occupe de la santé de l’estomac par le biais de l’alimentation.
Comment vous est venu l’idée de vous lancer dans la gastronomie ?
Ma satisfaction personnelle provient du fait de savoir que les gens se réjouissent du service que je leur procure en leur offrant à manger.
Y a-t-il véritablement une différence entre la gastronomie et la restauration ? Laquelle ?
Il existe un écart considérable entre la gastronomie et la restauration.
La restauration est une activité commerciale ou sociale qui se déroule dans un environnement formel ou informel, où l’on prépare et propose des mets et des boissons. On peut mentionner différents types de restaurants, tels que les établissements traditionnels, classiques, modernes, gastronomiques et ceux à grande échelle (collectifs), comme les cantines.
La gastronomie quant à elle, est l’art de coordonner et d’harmoniser divers plats et boissons pour constituer un repas sain, équilibré et varié. Elle répond généralement aux exigences spécifiques d’une entité particulière. La gastronomie est l’art de bien vivre, l’art de se nourrir correctement pour un meilleur bien-être. Elle peut être mise en œuvre dans des établissements qualifiés de gastronomiques ou dans tout endroit respectant les critères sanitaires et environnementaux.
En réalité, nous mélangeons souvent la cuisine et la gastronomie, bien que la cuisine n’ait pas toujours été une activité exclusivement féminine dans d’autres contextes.
Eugénie Brazier est reconnue comme la première femme à avoir marqué l’univers de la cuisine moderne en tant que cheffe. Historiquement, ce métier était destiné aux hommes tandis que les femmes se voyaient attribuer les tâches les moins valorisantes en cuisine.
En Afrique, la structure sociétale était telle que chacun assumait un rôle plutôt spécifique : les hommes se chargeaient des travaux agricoles tandis que les femmes étaient responsables de l’approvisionnement alimentaire. Ce n’est que récemment que l’alimentation a pris un caractère commercial en Afrique.
« Nous ressentons une fierté immense à chaque victoire dans les compétitions ».
Vous avez remporté plusieurs trophées et distinctions. En tant que président de l’Association des Chefs et Cuisiniers du Burkina Faso (ACC-BF), que représente l’art culinaire pour vous ?
Pour moi, l’art culinaire représente une évaluation de la compétence et de l’habileté en cuisine. Il est extrêmement satisfaisant de démontrer à autrui, nos connaissances internes tout en combinant professionnalisme, compétence technique, ingéniosité et surtout passion pour notre travail. Nous ressentons une fierté immense à chaque victoire dans les compétitions auxquelles nous prenons part. On est encore plus fier d’être burkinabè car à l’étranger, on se bat au nom de notre pays pour démontrer nos compétences professionnelles.
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Quels sont les défis auxquels, vous êtes confrontés au quotidien, dans la promotion de l’art culinaire local ?
Nous sommes confrontés à l’ignorance de ceux qui ne saisissent pas l’importance de notre profession, et encore moins la valeur que nous attribuons à la cuisine locale.
Nous sommes confrontés à des stéréotypes, ce qui complique considérablement, certaines intégrations.
Nous rencontrons des problèmes organisationnels qui entravent l’efficacité de notre domaine d’activité.
Nous rencontrons des problèmes économiques qui affectent défavorablement, certains éléments de la chaîne gastronomique locale.
Nous sommes confrontés à une absence de cadre approprié pour l’expression des talents artistiques et culinaires. Pour ne citer que ces points-là.
Quand parle-t-on d’une gastronomie durable ?
C’est le résultat ou plutôt un processus coordonné d’une cuisine qui prend en considération les besoins d’une population donnée, l’origine des ingrédients, la manière dont les aliments sont produits, comment ils sont distribués et aussi comment ils finissent dans nos assièttes. Une cuisine durable prend en considération la culture, les pratiques alimentaires, les nécessités véritables de la communauté, ainsi que la production et la diffusion des denrées alimentaires. C’est l’agrégation de ces conséquences qui confère à une gastronomie, son caractère durable.
« À mon avis, tout commence par la souveraineté alimentaire ».
Le 7 juin dernier, c’était la journée internationale de la sécurité alimentaire. Comment selon vous, peut-on allier sécurité alimentaire et gastronomie durable ?
Nous saluons et valorisons la prévoyance et la bonté du gouvernement burkinabè, dirigé par le Capitaine Ibrahim Traoré, président du Faso, grâce à l’initiative de l’offensive agricole qui contribuera grandement à l’élimination de la faim et de la malnutrition au Burkina Faso. La réalisation de la sécurité alimentaire équivaut à réaliser une véritable souveraineté et à viser un progrès socio-culturel et économique. À mon avis, tout commence par la souveraineté alimentaire.
Pour développer d’autres domaines, nous devons d’abord résoudre le problème alimentaire. C’est une priorité absolue. Une fois que nous aurons atteint la souveraineté alimentaire, il sera possible d’organiser une bonne nutrition de qualité. À ce titre, je dirais que la sécurité alimentaire est indissociable de la gastronomie. La sécurité alimentaire est l’acte 1 dans le processus d’une gastronomie durable.
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Que peut faire le gouvernement pour contribuer à relever les défis ?
Je tiens à saluer le gouvernement du Burkina Faso pour les efforts déployés en faveur du développement de la cuisine burkinabè. J’applaudis l’initiative des Journées de Promotion de la Gastronomie nationale et les efforts pour promouvoir la gastronomie locale. Toutefois, je crois que le gouvernement aurait un rôle à jouer comme arbitre entre les producteurs, les transformateurs et les consommateurs finaux.
Promouvoir une agriculture basée sur des contrats pour guider les producteurs en fonction des exigences véritables des consommateurs. Promouvoir et soutenir une formation professionnelle de qualité tout en sensibilisant les communautés à l’importance de consommer des produits alimentaires locaux qui sont avantageux pour tous.
Entretien réalisé par Françoise Tougry